29 octobre 1914. Ecoutez-moi ça ! Quels tonnerres !



29 octobre 1914. Ménil-aux-Bois

Ecoutez-moi ça ! Quels tonnerres ! Toutes les gueules de tous nos canons crachent de la mort sur les Barbares. Musique sublime que celle de l’obus qui part, porteur de nos tragiques commissions. « Pars… ne flâne pas… et droit au but ! que ton sifflement leur glace les moëlles… Il faut qu’ils entendent de loin, qu’ils comprennent sa sentence implacable : A mort ! A mort pour Reims, pour Louvain, pour Arras ! A mort pour tant de veuves, de mères douloureuses, d’orphelins ! A mort pour l’enfant émigré de Deyvillers qui râlait dans sa petite voiture ! A mort pour les ruines de Baccarat, l’église de Badonviller, celle de Sainte-Barbe, et celle de Roville, et celle de Bagien, et celle de Ménil, et celle de Saint-Benoît, et celle de Raon-l’Etape, et celle de Cirey et celle… et de toutes celles dont les clochers maintenant sans cloches jettent sur eux la malédiction redoutable de leur silence… A mort !.. A mort !.. A mort !.. »

Ah ! Comme il en pleut, aujourd’hui, de nos obus sur leurs tranchées, leurs batteries, leurs cantonnements, leurs ponts, leurs observatoires !… Ils ne répondent presque pas… Une marmite par-ci par-là qui fait sonner les bois… les bois où il n’y a personne… Quelques obus sur Sampigny –le toit Poincaré tient toujours bon.- Ce ne sont pas là des réponses, ce ne sont que des balbutiements de gens intimidés… Auraient-ils de mauvaises nouvelles de Dixmude ? Celles que nous en recevons sont bonnes. Et celles qui viennent de la région de Nancy également… Egalement celles qui nous viennent de l’Argonne… Egalement les nouvelles des Vosges… Egalement les nouvelles de Russie… Ah ! Ah ! Ils se taisent ! les Boches !…

… Je crie et j’écris ces imprécations dans une singulière position : je suis assis sur la botte de paille – pardon ! sur le lit – du lieutenant commandant de la batterie de 155. La chambre à coucher n’est pas vaste et je ne crois pas que je pourrais m’y tenir allongé, mais elle offre un certain confort avec ses murs de terre et son toit de sapin. Elle possède le téléphone et, entre parenthèses, ce qu’on entend en ce moment au récepteur est bien agréable : « Allô ! même angle, même direction. L’objectif est en feu. » C’est la voix du lieutenant, qui, de là-haut sur la crête, surveille les effets du tir. Quant à l’objectif c’est la ferme Pichaumet, au pied du Camp des Romains : les Allemands n’y dormiront pas ce soir…

  • Facebook
  • Twitter
  • Delicious
  • LinkedIn
  • StumbleUpon
  • Add to favorites
  • Email
  • RSS
Cette entrée a été publiée dans Un Goncourt dans la Grande Guerre, avec comme mot(s)-clef(s) , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à 29 octobre 1914. Ecoutez-moi ça ! Quels tonnerres !

  1. Patrice PONSARD dit :

    après les crimes impardonnables des  » barbares » sur les populations tant en Belgique qu’en France et les destructions gratuites du patrimoine immobilier civil et religieux, même à 100 ans de distance la haine de MB peut se comprendre…
    Alors volez vite petits obus du cher « 75 »,  » jolie petit canon  » comme dit la chanson, et gros obus de 155, sur les méchants boches retranchés dans la ferme Pichaumet !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>