29 décembre 1918. Saint-Avold
[…]J’ai gravi les pentes du Kreuzberg. Mon regard embrassait à la fois les forêts du Palatinat, les plaines de la Lorraine et les montagnes de l’Alsace. A mes pieds coulaient les eaux qui vont à la Sarre. La Sarre va à la Moselle qui vient de France et qui va au Rhin. Des nuages rapides comme des fumées glissaient de la Bourgogne vers la Poméranie. Des corbeaux volaient, maladroits comme des feuilles mortes. Des rires de femmes montaient, mêlés à des rires de soldats. Un train entre les flancs de la vallée du Rossel menait vers l’ouest des prisonniers rapatriés –tuberculose, grippe- et rampait vers le tunnel qui ouvrait sa gueule de tombeau à cette jeunesse misérable.
Et j’ai songé à la sagesse exemplaire des végétaux. Et comme le vent donnait aux pins du Kreuzberg une voix et des gestes, j’ai pris sous leurs branches balancées une leçon de bonheur.