Henri Moisy au repos



Le dimanche 6 septembre 1914

Je quitte Bar-le-Duc à 1 heure et voyage en chemin de fer toute la journée dans un wagon à bestiaux, sur la paille, en compagnie de malades et de blessés. Je passe à Vacqueville, Wassy et j’arrive à Saint-Florentin à 18 h. Nous y passons la nuit en wagon. Le temps est beau et très chaud. En cours de route, les habitants nous distribuent à boire et à manger.

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7 septembre 1914. Une journée sur le champ de bataille entre Rambervillers et Roville-aux-chênes



7 septembre 1914 Deyvillers

Une journée sur le champ de bataille entre Rambervillers et Roville-aux-chênes.

Dans Rambervillers même silence tragique, même solitude des rues : Rambervillers est une ville morte, les obus allemands l’ont tuée.

Je prends la direction de Roville ; route poussiéreuse semée de débris de toutes sortes : morceaux de capotes, képis, courroies, paille, gamelles défoncées, bouteilles brisées… Le champ de bataille apparaît à 500m de la ville, aux abords d’une belle propriété dont les arbres sont hachés par les obus, les pelouses labourées, les massifs dispersés[…]

Je continue ma route. Aussitôt la chose devient malaisée et je dois abandonner ma bicyclette. La route n’est qu’une série d’énormes trous d’1m50 de diamètre, d’1m de profondeur. Tous les arbres sont sciés, arrachés, ébranchés par les obus. Les fils télégraphiques tordus s’enchevêtrent sur le sol ; de poteaux il n’y en a plus un seul debout. Partout des éclats d’obus, des morceaux de fusil, des baïonnettes brisées des cartouchières, des paquets de cartouches, des képis ensanglantés, des bidons déchirés, des lambeaux de drap. Voilà pour cette jolie route des Vosges.

A droite et à gauche le spectacle est tragique. Dans le fossé voici un canon Rimailho hors d’usage : son solide acier est labouré par l’acier ennemi. Non loin de lui un colossal obus allemand non éclaté, je m’en écarte avec un frisson : pourvu que ce monstre qui dort ne se réveille pas sous la vibration de mon pas !

On croit reconnaître que ce champ fut planté de betteraves, celui-là de pommes de terre. Comment en être assuré ? Il n’y a pas dix mètres carrés qui ne soient creusés d’un de ces gigantesques entonnoirs ou bien ravinés de tranchées et d’obus. Dans certains trous d’obus des hommes ont dormi, heureux de trouver un soudain abri : ils y ont entassé de la paille. Certains autres ont servi de tombes : quelques mottes de terre sèche, une petite croix en bois de fagots sur laquelle sont écrits trois ou quatre noms… Il y a comme cela une trentaine de tombes. D’autres enfin gardent parmi les éclats d’acier et les morceaux de terre des débris noirs d’où se dégage une odeur infecte.

Certaines tombes sont plus soignées, elles ont la forme connue, à laquelle on ne se trompe pas et devant laquelle on s’étonne toujours du peu de place qu’occupe un homme quand il est mort. Leurs croix portent des noms de gradés : Xavier Petitjean, maréchal-des-logis, Louis Laval, brigadier… Ce sont des artilleurs. Leurs camarades ont mis quelques fleurs – où donc ont-ils pu les trouver ? – sur le triste monticule et, pour qu’elles se conservent sous ce soleil brûlant, les ont placées dans des douilles d’obus pleines d’eau.

Je vais et je viens sur ce champ de mort. Mille détails me surprennent et m’émeuvent : dans une tranchée je trouve un roman, La Vierge du Liban, en partie déchiré et brûlé. Dans une autre un petit oreiller de cuir labouré par un éclat d’obus et couvert de sang desséché. Et toujours des fusils brisés, des sacs déchiquetés, des baïonnettes ébréchées, des képis sanglants…

Personne. Je suis seul. Un petit chevreau blanc cherche en vain de l’herbe à paître. Sur plusieurs kilomètres c’est le seul être vivant que je rencontre. Plus d’oiseaux, plus d’abeilles, plus de papillons… D’ailleurs plus d’arbres, plus de fleurs !…

Je me dirige ensuite sur la route de Raon-l’Etape, vers St Benoît. Même aspect que sur la route de Roville, mêmes trous, mêmes tombes, même affreuse odeur. Les obus tombent là aussi. Je ne puis continuer.

Et je rentre à l’heure délicieuse où les Vosges deviennent mauves et où les forêts sentent si bon la résine. […]

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4 septembre : Henri Moisy évacué à l’arrière



Le vendredi 4 septembre 1914

Réveil à 4 h 30. Je suis épuisé et n’ai plus la force de me traîner. La diarrhée m’affaiblit. Je vais passer la visite du médecin major qui m’évacue à l’arrière. Je quitte les camarades et je me dirige vers la gare vers 7 h. Le 331ème quitte Rarécourt vers 7 h 30 et se dirige vers Clermont-en-Argonne.

Je prends le train à 9 h 30. Je passe à Beauzée-sur-Aire vers 13 h et arrive à Bar-le-Duc à 16 h 30. J’ai fait le voyage avec une trentaine de soldats dans des wagons de ballast. Le temps est beau et très chaud, tous les villages que j’aperçois au passage sont remplis de troupes et de voitures. Nous sommes emmenés de la gare au lycée Fénelon en groupe. Nous nous installons sur la paille, dans une salle, et après avoir fait quelques provisions nous nous couchons à 20 h. Temps très chaud.

 

Vendredi 4 septembre 1914

Ma chère Aimée,

J’ai reçu le 1er septembre ta lettre datée du 21 août. J’en ai reçu une d’Eugène il y a quelques jours, datée du 23. Tu me dis que tu ne reçois pas de mes nouvelles, tu as dû en recevoir depuis que tu as écrit cette lettre, car j’en ai envoyé régulièrement.

Il fait très chaud depuis quelques jours et nous fatiguons davantage à marcher.

Je me porte bien et je demande que ça continue.

Je garde toute ma barbe et si je reviens à Bourgueil tu ne me reconnaîtras pas.

Un grand bonjour à tout le monde et en particulier à Papa.

Si tu vois Me Parfait tu lui donneras de mes nouvelles.

Ton frère ‑ H. Moisy

P.S.- Reçois-tu mes lettres cachetées ou décachetées ?

J’ai reçu au moment de mettre ma lettre, la lettre de Clément [Moreau] datée du 24. Merci de tous les renseignements que vous me donnez. Je vois les fils Rousse tous les jours et nous nous causons à chaque fois. Ils se portent bien jusqu’à présent.

Mon camarade David, de Chouzé, se porte bien aussi.

Bonjour affectueux. ‑ H. Moisy

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3 septembre 1914 : Henri Moisy marche à grands pas pour ne pas être fait prisonnier



Le jeudi 3 septembre 1914

A 3 h 30, une vive fusillade éclate à quelques centaines de mètres en avant de nous. Vers 5 heures nous nous replions, poursuivis par le feu de l’artillerie allemande. Nous passons à Charpentry et nous regagnons la grand’route de Varennes-en-Argonne. En passant à Varennes j’ai vu la maison où Louis XVI passa la nuit lors de son arrestation. Continuer la lecture

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