12 septembre 1915. Comment s’arracher au spectacle des belles vallées d’Alsace ?



12 septembre 1915. Refuge du Rheinkopf

Comment s’arracher au spectacle des belles vallées d’Alsace ? Je passe des heures suivies d’autres heures à contempler ce spectacle nouveau de la guerre. Ah ! les décors plats, hideux, désolés de la Champagne !… Mourir à Mesnil-les-Hurlus et mourir à Metzeral… Mort hideuse et mort glorieuse… Je les oppose dans mon esprit. Je me félicite de n’avoir point trouvé la mort dans les craies puantes des Hurlus, dans le sable rouge des Hauts-de-Meuse… Mourir ici ! Quelle belle mort ! Avoir sa petite tombe à l’ombre d’un sapin d’alsace, se désagréger dans cette terre qui porte un vêtement d’anémones et d’airelles…

Je descends déjeuner à Not-Dessus, en France, hameau vosgien au bord de la Moselotte. Là cantonnent les jeunes soldats du 170ème et du 149ème qui travaillent chaque jour sur les cimes où je demeure. C’est la classe 16 qui se familiarise avec le bruit du canon. Je retrouve là un ami du temps de mes études le Dr Viguerie qui se voit bien surpris d’être mon chef de service.

Je regagne le Rheinkopf en passant par le petit lac de Blanchemer, tout rond au fond d’un sombre entonnoir de sapins. Là est le port d’attache d’un ballon captif, gros comme un cantaloup de bonne taille. Des obus viennent de temps en temps troubler ce paysage de Contes d’Hoffmann.

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12-17 septembre 1915 : les grands événements tant annoncés se préparent



Le dimanche 12 septembre 1915
Je suis allé à la messe de 5 h et demie (+). J’ai obtenu une permission pour aller aux Islettes de 7 à 10 h, déposer des fleurs sur la tombe de Lucien Boireau. J’ai vu aux Islettes Georges Tiran du 91ème. Acheté des provisions. Au cimetière du Claon, à 14 h, présentation des armes aux soldats morts et discours du colonel. A 15 h, remise de la Croix de la Légion d’Honneur et de la Croix de Guerre au capitaine Auperrin. A 10 h du matin, grand’messe avec le concours de la musique du 131ème. Acheté une lampe électrique. Envoyé une bague à Aimée. Très beau temps.

Dimanche douze septembre 1915 – 16 heures
Mon cher père,

Aujourd’hui dimanche 12 septembre, anniversaire de la Victoire de la Marne, nous avons repos toute la journée. Quoique nous soyons au repos, nous avions tous les jours des travaux à faire, aujourd’hui il n’y a rien. Dans l’église du Claon, où je me trouve au repos, une messe a été célébrée à 10 heures pour les soldats du 131ème tombés depuis la guerre. Le colonel y assistait et la musique a joué deux morceaux pendant la messe. – Ce matin à 5 h ½ j’ai assisté à une messe basse et j’ai communié, à 6 h ½ j’ai été aux Islettes, j’avais une permission pour la matinée, j’ai déposé une petite couronne et une plaque sur la tombe de Lucien Boireau. J’ai profité de mon voyage aux Islettes pour acheter des provisions. J’ai vu aux Islettes Georges Tiran qui est à la musique du 91ème. Il se porte bien. J’ai vu hier Morisseau de Marcé et j’avais vu mercredi Ragueneau de La Chapelle.

Ce soir à 2 h ½ nous avons été au cimetière rendre les honneurs aux soldats qui y sont enterrés. Tout le bataillon était présent, ensuite le colonel a prononcé un discours. – Tous les cimetières sont aujourd’hui bien entretenus, et il y a de la verdure et des fleurs sur toutes les tombes, par ordre du Général en chef.

Vous voyez que mon dimanche a été bien employé.

Ce matin à déjeuner, à l’occasion de la Victoire de la Marne, il y avait dessert et cigares.

Je pense que vous êtes toujours en bonne santé et je vous souhaite bon courage toujours.

Croyez à mes sentiments affectueux. ‑ Votre fils ‑ H. Moisy

Je vous envoie quelques cartes que vous ramasserez comme les autres.
Le lundi 13 septembre 1915
La compagnie va au travail au [Nouveau-]Cottage. Exercice de cadres matin et soir.
Le mardi 14 septembre 1915
Départ à 5 h 30 pour un exercice de prise de tranchée à Lachalade. Deux Taubes ont survolé la vallée de la Biesme et ont jeté des bombes sur le Claon et Florent. Temps pluvieux.
Le mercredi 15 septembre 1915
Corvée de travail à Lachalade toute la journée. La compagnie est de garde aux issues. Je suis allé à la messe de 5 h et demie (+). Ma compagnie quitte Le Claon à 20 h et vient cantonner à la ferme de la Thibeaudette, près des Islettes. Nous avons été transportés en automobile. Temps nuageux et humide.
Le jeudi 16 septembre 1915
Exercice de 8 à 10 h dans les champs. Revue d’armes à 16 h. Le sergent Eymain promu adjudant ces jours derniers nous a offert le champagne. Temps pluvieux.
Le vendredi 17 septembre 1915
Réveil à 4 h 30. La compagnie va au travail en automobile à la Sapinière, près du Four-de-Paris. Je reste à l’exercice de cadres avec le commandant. Préparation à l’offensive. Repos tout l’après-midi. Temps nuageux.
Vendredi 17 septembre 1915 13 heures.
Chère Eugénie,

J’ai toujours été au repos depuis que je suis revenu de permission et par conséquent je n’ai jamais été très mal depuis ce temps-là. J’ai toujours dormi tranquille et à l’abri du mauvais temps.

Ma compagnie est en ce moment toute entière dans une grande ferme à 15 km du front et nous ne savons pas où nous retournerons, il est bien possible que nous quittions la région où nous sommes depuis tant de mois.

Tout ce que nous voyons, tout ce que nous entendons dire nous fait prévoir que nous sommes à la veille des grands évènements tant annoncés. Puissent-ils réussir et raccourcir la guerre de bien des mois.

Voilà dix jours que je suis revenu et depuis ce temps-là il n’est pas parti de nouveaux permissionnaires et il n’est pas question d’en faire partir en ce moment. Il est bien possible qu’il n’en parte pas avant longtemps et j’ai bien fait de profiter de la mienne.

Ma santé est bonne. Où nous nous trouvons, nous pouvons nous procurer du vin et de l’épicerie. J’ai vu dimanche dernier aux Islettes Georges Tiran qui est au 91ème. Je l’ai déjà écrit à Papa.

Aujourd’hui, toute la compagnie est partie en automobiles exécuter des travaux à proximité du front. Comme il faut seulement quatre sergents et que ce n’est pas mon tour de marcher, je me repose toute la journée dans la ferme.

Reçois l’assurance de mes meilleurs sentiments fraternels. ‑ H. Moisy

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8-11 septembre 1915 : Très content de sa permission, Henri Moisy va reprendre sa vie habituelle



Le mercredi 8 septembre 1915
Départ des Sénades à 6 h. Arrivée au Ravin de Courtes-Chausses, où se trouve ma compagnie, à 10 h 30. En passant aux Islettes, je suis allé poser une plaque sur la tombe de Lucien Boireau. Violente fusillade et canonnade à 19 h. Départ des tranchées à 19 h 30. Arrivée au Claon à 22 h. Nous sommes logés dans des granges.

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26 août-7 septembre 1915 : une semaine de permission à Bourgeuil avant de remonter au front



Le jeudi 26 août 1915
Cinquième jour de tranchées. Aménagement du P[etit] P[oste]. L’après-midi j’ai reçu ma permission de sept jours et j’ai quitté les tranchées à 22 h pour le cinquième départ de permissionnaires (6 à la compagnie). Rassemblement des permissionnaires du 2ème Bataillon au Nouveau-Cottage à 24 h. je suis chef du détachement jusqu’à Lachalade.

Le vendredi 27 août 1915
Arrivée aux Sénades à 3 h. Nous laissons nos armes et équipements. Départ de la gare des Islettes à 7 h. Passage à Saint-Dizier de 10 h à 12 h, à Troyes de 17 à 19 h, à Sens, Montereau. Permission visée à Saint-Dizier et Troyes. Beau temps très chaud.
Le samedi 28 août 1915
Passé à Juvisy à 4 h, à Orléans de 8 h à 10 h, Saint-Pierre-des-Corps à 12 h, à Port-Boulet à 14 h. Arrivée à Bourgueil à 14 h 30. Ma permission visée à Saint-Pierre [-des-Corps] est valable jusqu’au 5 septembre à 9 h.
Du dimanche 29 août
au samedi 4 septembre 1915
En permission à Bourgueil. Clément Moisy est venu de Châtellerault en permission de 24 h. Je suis allé à Châteauroux le 3 voir Clément Moreau. Beau temps pendant toute la durée de mon séjour.
Le dimanche 5 septembre 1915
Départ de Bourgueil à 3 h 30. Passage à Tours à 6 h, à Vierzon, Bourges, arrivée à Nevers à 20 h. Voyagé en 2ème classe. Beau temps.
Le lundi 6 septembre 1915
Passage à Gray de 8 h 30 à 14 h. Déjeuné en ville. Passé à Chalindrey, Langres, arrivée à Chaumont à 18 h 30. Dîné et couché en ville. Beau temps.
Le mardi 7 septembre 1915
Départ de Chaumont à 5 h 30. Passé à Bologne, Joinville, à Saint-Dizier de 8 h 30 à 14 h. Déjeuné en ville. Arrivée aux Islettes à 18 h. Couché aux Sénades et repris mes armes et équipements.
CARTE POSTALE :

Recto : O.J. 2055. SAINT – DIZIER (Insigne de la Légion d’Honneur)

La Rue du Marché Edit. Gauthier. St Dizier

Mention manuscrite ultérieure :  » 7-9-15  »

Verso : Madame Georges Cocuau

Rue de Commerce

Bourgueil

Indre et Loire

Saint-Dizier (Haute Marne) le mardi 7 septembre [1915]– 11 heures

Chère Eugénie,

A ma grande satisfaction, le voyage se prolonge plus que de raison. J’ai passé la nuit dernière à Chaumont dans un grenier et nous n’arriverons aux Islettes que ce soir à la nuit. Nous repartons de St‑Dizier à 13 h 45. Nous arriverons aux tranchées demain midi. Tout va bien.

Salutations affectueuses. H. Moisy

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