Le dimanche 12 septembre 1915
Je suis allé à la messe de 5 h et demie (+). J’ai obtenu une permission pour aller aux Islettes de 7 à 10 h, déposer des fleurs sur la tombe de Lucien Boireau. J’ai vu aux Islettes Georges Tiran du 91ème. Acheté des provisions. Au cimetière du Claon, à 14 h, présentation des armes aux soldats morts et discours du colonel. A 15 h, remise de la Croix de la Légion d’Honneur et de la Croix de Guerre au capitaine Auperrin. A 10 h du matin, grand’messe avec le concours de la musique du 131ème. Acheté une lampe électrique. Envoyé une bague à Aimée. Très beau temps.
Dimanche douze septembre 1915 – 16 heures
Mon cher père,
Aujourd’hui dimanche 12 septembre, anniversaire de la Victoire de la Marne, nous avons repos toute la journée. Quoique nous soyons au repos, nous avions tous les jours des travaux à faire, aujourd’hui il n’y a rien. Dans l’église du Claon, où je me trouve au repos, une messe a été célébrée à 10 heures pour les soldats du 131ème tombés depuis la guerre. Le colonel y assistait et la musique a joué deux morceaux pendant la messe. – Ce matin à 5 h ½ j’ai assisté à une messe basse et j’ai communié, à 6 h ½ j’ai été aux Islettes, j’avais une permission pour la matinée, j’ai déposé une petite couronne et une plaque sur la tombe de Lucien Boireau. J’ai profité de mon voyage aux Islettes pour acheter des provisions. J’ai vu aux Islettes Georges Tiran qui est à la musique du 91ème. Il se porte bien. J’ai vu hier Morisseau de Marcé et j’avais vu mercredi Ragueneau de La Chapelle.
Ce soir à 2 h ½ nous avons été au cimetière rendre les honneurs aux soldats qui y sont enterrés. Tout le bataillon était présent, ensuite le colonel a prononcé un discours. – Tous les cimetières sont aujourd’hui bien entretenus, et il y a de la verdure et des fleurs sur toutes les tombes, par ordre du Général en chef.
Vous voyez que mon dimanche a été bien employé.
Ce matin à déjeuner, à l’occasion de la Victoire de la Marne, il y avait dessert et cigares.
Je pense que vous êtes toujours en bonne santé et je vous souhaite bon courage toujours.
Croyez à mes sentiments affectueux. ‑ Votre fils ‑ H. Moisy
Je vous envoie quelques cartes que vous ramasserez comme les autres.
Le lundi 13 septembre 1915
La compagnie va au travail au [Nouveau-]Cottage. Exercice de cadres matin et soir.
Le mardi 14 septembre 1915
Départ à 5 h 30 pour un exercice de prise de tranchée à Lachalade. Deux Taubes ont survolé la vallée de la Biesme et ont jeté des bombes sur le Claon et Florent. Temps pluvieux.
Le mercredi 15 septembre 1915
Corvée de travail à Lachalade toute la journée. La compagnie est de garde aux issues. Je suis allé à la messe de 5 h et demie (+). Ma compagnie quitte Le Claon à 20 h et vient cantonner à la ferme de la Thibeaudette, près des Islettes. Nous avons été transportés en automobile. Temps nuageux et humide.
Le jeudi 16 septembre 1915
Exercice de 8 à 10 h dans les champs. Revue d’armes à 16 h. Le sergent Eymain promu adjudant ces jours derniers nous a offert le champagne. Temps pluvieux.
Le vendredi 17 septembre 1915
Réveil à 4 h 30. La compagnie va au travail en automobile à la Sapinière, près du Four-de-Paris. Je reste à l’exercice de cadres avec le commandant. Préparation à l’offensive. Repos tout l’après-midi. Temps nuageux.
Vendredi 17 septembre 1915 13 heures.
Chère Eugénie,
J’ai toujours été au repos depuis que je suis revenu de permission et par conséquent je n’ai jamais été très mal depuis ce temps-là. J’ai toujours dormi tranquille et à l’abri du mauvais temps.
Ma compagnie est en ce moment toute entière dans une grande ferme à 15 km du front et nous ne savons pas où nous retournerons, il est bien possible que nous quittions la région où nous sommes depuis tant de mois.
Tout ce que nous voyons, tout ce que nous entendons dire nous fait prévoir que nous sommes à la veille des grands évènements tant annoncés. Puissent-ils réussir et raccourcir la guerre de bien des mois.
Voilà dix jours que je suis revenu et depuis ce temps-là il n’est pas parti de nouveaux permissionnaires et il n’est pas question d’en faire partir en ce moment. Il est bien possible qu’il n’en parte pas avant longtemps et j’ai bien fait de profiter de la mienne.
Ma santé est bonne. Où nous nous trouvons, nous pouvons nous procurer du vin et de l’épicerie. J’ai vu dimanche dernier aux Islettes Georges Tiran qui est au 91ème. Je l’ai déjà écrit à Papa.
Aujourd’hui, toute la compagnie est partie en automobiles exécuter des travaux à proximité du front. Comme il faut seulement quatre sergents et que ce n’est pas mon tour de marcher, je me repose toute la journée dans la ferme.
Reçois l’assurance de mes meilleurs sentiments fraternels. ‑ H. Moisy