3 janvier 1917. M’rirt
Ca ne va pas.
Nos relations avec les Zaian sont de plus en plus tendues. Dans la nuit nos adversaires ont bouleversé l’abri des vedettes au S.S.O. du poste. Deux abris détruits en deux jours.
L’audace est pour ces jeunes guerriers un jeu élégant. Je les vois caracoler dans les herbes rousses autour des éclatements de nos obus. Aujourd’hui des hommes à pied circulent en tous sens de l’ouest au sud. Leurs petits paquets nous font de bonnes cibles. Les spahis embusqués dans les ruines de leurs abris tirent convenablement ; mais tout cela est excitant et les Zaian poussent le cri de guerre. Dans le massif de l’Amane Iraménine des feux s’allument, répondant aux feux qui brillent vers Khénifra. Dans la soirée d’hier c’était, entre montagnes, comme une conversation de vers luisants.
Et à Aïn Leuh, les choses ne vont pas mieux. Le 1er janvier un chasseur léger est tué au four à chaux à 1.000m du camp ; hier au soir c’est le tour d’un goumier, tué entre le camp et le village. Je ne parle pas des blessés. Agitation chez les Beni M’guild, agitation chez les Zaian… Certains voient là-dessous la « main de l’Allemagne ». Moi, j’y vois tout simplement le patriotisme berbère, et c’est bien plus grave.*
Courtois se fâche. Courtois se promène de long en large devant la table servie du déjeuner et tandis que l’omelette refroidit, Courtois s’échauffe : « Ah ! ben !… Ah ! ben… on va voir ça… Ah ! par exemple !… Faites-moi appeler le sergent du jour !… Faites-moi appeler le maréchal-des-logis d’artillerie… Hé hé, messieurs les Zaian, hé hé… Ah ! ben… Ah ! par exemple… Détruire mes travaux d’art (sic)… Bouleverser les semis de notre potager, de ce potager que je m’évertue… Ah ! c’est vous, Julliard. Feux de salves, mon ami, feux de salves, sur ces gaillards-là… Un douro par homme abattu… Feux de salves… Ah ! Ah ! Hé ! Hé !… Et vous, Lampier, vous allez me fiche des obus sur tout ce que vous verrez bouger… Pièce prête ? Feu !… Ah ! Nom de Dieu, feu, Lampier, feu !… » A ce moment notre serveur, qui, pour son nez volumineux, fut appelé Nasica, glisse discrètement : « C’est qu’y a l’omelette qu’elle se r’froidit, mon capitaine… » Et Courtois, oubliant un instant les Zaian, étale sa serviette sur son ventre et son ventre sur ses cuisses.
…5h soir. Résultat de la colère de Courtois : deux cavaliers Zaian tués devant le poste des vedettes démoli. Deux douros distribués.*
de rudes et courageux gaillards qui se battent pour rester libres et indépendants du Maghzen que nous soutenons… Et qui n’oublie pas de leur soutirer forces impositions diverses et variées, avec notre complicité…
On ressent de la part de MB une certaine sympathie à leur égard, en tout cas il voit juste..