4 janvier 1916. M’rirt
La journée a été chaude… plus au propre qu’au figuré. Quelques obus de ci de là . Le Zaian est muselé. Ouf ! ça nous donne un peu d’air ! J’ai pu aller jusqu’à un kilomètre au sud du poste. Sur l’herbe nouvelle, très verte, où fleurissent déjà quelques grosses pâquerettes, cela m’a semblé mieux qu’une promenade, une véritable excursion. Courtois, heureux, soufflait et s’épongeait en considérant la plaine nue, déblayée des troupeaux et des cavaliers qui « l’infestent » (style Courtois). Il a fait aujourd’hui une température de mai en France.
De mai en France, oui. Mais dès que le soleil a plongé dans les profondeurs mauves du Foum Teget, quelle fraîcheur soudaine ! Alors la nuit perfide s’empare du bled. Là où un instant auparavant tout était clarté, tout devient mystère, piège et traquenard. Nous fermons les issues du poste avec des chevaux de frise ; les sentinelles se placent dans leurs réduits crénelés. Et, sous les rayons favorables de la lune, les chacals quittent leurs gîtes, les Zaian leurs douars. C’est l’heure où bruissent étrangement les fils invisibles de l’antenne de la T.S.F. Nous donnons de nos nouvelles au monde extérieur. Ssss ss ss Ss ss ssss ss Ss ss Sss sss ss… Dans les montagnes, que la lune détache en masses trapues, les Aït Sgougou communiquent avec les Aït Sidi Larbi par des feux. Ainsi, dès le soleil couché, en pays Zaian, le danger et la ruse rôdent dans les airs comme sur la terre.*