8 octobre 1915. Je suis allé jusqu’aux lisières de Metzeral



8 octobre 1915.  Schmargult

Par le Rheinkopf, l’Altenweiher, Kolben-Wasen et les bords de la Fecht de Kolben je suis allé jusqu’aux lisières de Metzeral. Jusqu’aux lisières seulement car en plein jour la route depuis Mittlach est sous l’œil des Allemands, tout proches. A un détour du chemin sur les pentes du Burgköpfle, tapis comme de gros crapauds sous les sapins de la montagne des mortiers de 220 crachent dans un cri épouvantable des obus de cent kilos. sur l’Ilienkopf. Arme monstrueuse, vraiment batracienne dont la fumée semble une bave.

En me dissimulant de rocher en rocher, je parviens à proximité d’Altenhof, sorte de faubourg de Metzeral. Pas un bruit, pas une voix. Ce village tout brisé, tout brûlé est mort. Et pourtant qu’il devait être joli, serti comme dans une vaste joaillerie d’émeraudes et de saphirs au point de jonction des vallées de la Grossthal Fecht, de Sondernach, de Wurmsa. Alentour tout est séché par l’incendie, par le canon, par le piétinement de la troupe. Seul le beau torrent continue bruyamment son cours impétueux. Je songe que des chasseurs et des Allemands sont là, dans ces sillons gris, en tête à tête silencieux. On ne se bat pas. Il y a une sorte de trêve. Les fusils eux-mêmes se taisent. Je n’ai jamais vu, sur le front, de tranchées aussi calmes que les tranchées tragiques de Metzeral.

A Mittlach je trouve des ambulanciers américains, tout de kaki vêtus. Ils sont les seuls à posséder des ambulances automobiles (des Ford) capables de circuler sur la mauvaise petite route qui relie la vallée de la Fecht à la vallée de la Thur par Hüs. A Mittlach il y a également à portée de canon, à trois milles mètres des tranchées, de magnifiques troupeaux de vaches, gardées par les habitants du pays. Je vois les habitants mâles du village travailler à la route qui suit la Fecht de Kolben. Des abris de bombardement jalonnent cette route. C’est curieux, ces non-combattants travaillant sous les obus…

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2 réponses à 8 octobre 1915. Je suis allé jusqu’aux lisières de Metzeral

  1. Lepelletier jean-Michel dit :

    Il aurait été bon de préciser que ces ambulanciers américains étaient des civils volontaires, de même que des américains se sont engagés à la légion étrangère.
    En effet, l’Amérique n’était pas en guerre et tout citoyen américain qui aidait les belligérants perdit la nationalité américaine, c’est l’ambassadeur américain à Paris qui trouva la solution

    • pponsard dit :

      c’est vrai…
      Il y avait des également des civils Norvégiens skieurs-brancardiers volontaires, qui ont réalisé un excellent travail…
      Un moment supprimés et retirés du front pour je ne sais plus quelles raisons, puis finalement ramenés dans les Vosges…

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