4-8 octobre 1915 : nouveau bivouac



Le lundi 4 octobre 1915
Nous passons à Vienne-la-Ville, nous franchissons l’Aisne et nous passons sur la rive gauche. De 2 h à 8 h, nous nous couchons dans le bois sur le côté nord de la route, à environ 4 km de la Neuville-au-Pont. A 8 h nous allons nous installer en bivouac sous bois entre la Neuville-au-Pont et Moiremont. Tout le 131ème est ensemble et sous bois pour éviter toute visibilité. Le 76ème est à côté de nous. De 14 à 17 h ma compagnie est de corvée pour réparation de la route dans le village de Vienne-la-Ville.

En passant sur le pont de l’Aisne il faut se défiler pour ne pas être aperçu des observateurs allemands. Tout l’intérieur des maisons du village est pillé. On voit traîner dans les chambres des fauteuils, des pianos, des glaces et des papiers de famille. Les maisons n’ont pas trop souffert sur la rive droite. La situation est calme. Quelques obus sont envoyés sur Vienne-la-Ville après notre départ. Temps sec et froid !
Le mardi 5 octobre 1915
Repos et théorie. Nous aménageons le bivouac en faisant des allées entre les rangées de tentes. Une corvée va ramasser des pommes et nous faisons de la compote pour toute la compagnie. A 16 h, violente canonnade en face de nous, vers Ville-sur-Tourbe. Nous sommes à environ 6 km des lignes et nous sommes bien en sécurité. Temps brumeux et froid.
Le mercredi 6 octobre 1915
Réveil à 3 h 30. Nous démontons les tentes et nous restons en tenue de départ, sacs montés. Violente canonnade à notre gauche de 5 h à 8 h. On croit à une attaque allemande. L’après-midi nous remontons nos tentes. Exercice de bataillon de 16 h à 17 h. La nuit se passe sans incident. Temps nuageux.
Le jeudi 7 octobre 1915
Exercice le matin. Le capitaine nous fait une allocution et nous donne des renseignements sur la situation. Notre brigade est réserve de la 2ème armée. L’après-midi repos, jeux et nettoyage à la rivière qui coule à 500 m de notre bivouac. Temps beau et nuageux.
Le vendredi 8 octobre 1915
Repos le matin. Jeux le soir. Plusieurs aéros français survolent notre région. Canonnade le matin. Depuis plusieurs jours les Allemands envoient le matin des obus sur le village de la Neuville-au-Pont. Les obus que nous entendons à peine partir passent très haut au-dessus de nos têtes et s’en vont tomber à 4 km plus loin sans nous effrayer le moins du monde. Comme nous sommes à 6 km des lignes, ces obus sont tirés à une portée d’au moins 15 km. Situation calme l’après-midi. La nuit nous voyons très bien les fusées éclairantes françaises et allemandes, notre position étant élevée nous apercevons les lignes dans le lointain ainsi que l’éclatement des gros obus. Remise de la Croix de Guerre au capitaine de Langle de Cary. Très beau temps.
Vendredi 8 octobre 1915

Ma chère Eugénie,

Après avoir été longtemps sans recevoir de lettres, j’en reçois maintenant à profusion. Avant-hier j’en avais trois, hier j’en avais six, dont une d’Aimée et une de C[lément] Moreau. Toutes ces lettres ne mettent que trois jours à me parvenir, ce sont donc les miennes seules qui sont causes des retards.

Je loge toujours sous ma tente dans le bois, et par le temps qu’il fait, nuageux et tempéré, il y fait assez bon. On dort très bien sur la mousse et les feuilles mortes. Hier, j’ai joué aux barres tout l’après-midi, Auguste jouait au foot-ball. Tu vois que nous ne nous en faisons pas trop.

La nourriture est très bonne, mais insuffisante en ce moment. Nous avons toujours du vin et de l’eau-de-vie.

Nous voyons les ballons observateurs qui sont continuellement en l’air, un peu en arrière de nous, et nous voyons passer des aéroplanes tous les jours, et en quantité. De temps en temps, nous sommes mis en alerte, ainsi, il y a deux jours nous avions démonté nos tentes, monté nos sacs et nous étions prêts à partir, et puis nous sommes restés là. Nous avons remonté nos tentes le soir et depuis il n’y a rien de changé.

Je me porte bien. ‑ Un affectueux bonjour de ton frère. ‑ H. Moisy

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