17 janvier 1915. Gros incident.



17 janvier 1915. Berry

Gros incident.

Vers midi, une très violente fusillade, accompagnée de canonnade, crépite à la gauche de la 7ème compagnie, à la hauteur d’ Hautebraye.

Un combat d’une certaine gravité s’engage de ce côté. Les mitrailleuses donnent avec rage. De la tranchée du 2ème bataillon, où je me suis aussitôt rendu, nous assistons à un feu violent d’artillerie dirigé sur nos tranchées entre la ferme de la Carrière St Victor et le moulin de Chevillecourt. Les pièces du capitaine Frénal répondent. Nous voyons leurs obus démolir la ligne des tranchées ennemies. Elles tirent par rafales et les éclatements retentissent avec un bruit puissant dans les vallonnements d’Autrèches et de Chevillecourt.

Nous apprenons qu’un de nos petits-postes, occupé par des territoriaux, vient d’être enlevé par les Allemands qui s’y installent. Le combat se livre autour de ces cinquante mètres de terrain.

Des réserves allemandes descendent par petits groupes les flancs d’un coteau qui nous fait face. L’artillerie les accable d’obus explosifs.

Le combat dure ainsi tout l’après-midi sans que rien ne fasse tourner la chance de notre côté. Dans la tranchée, tous les hommes sont à leur poste, devant leur meurtrière de tir, équipés, sac au dos. La 8ème compagnie, en réserve à la Carrière, vient renforcer.

La nuit tombe.

Des renforts arrivent à Berry, à Hautebraye, à Vic. Ce sont des troupes qui ont combattu sous Soissons, ces derniers jours. A minuit, un bataillon du 321 occupe Berry. Nos fusées et les projecteurs allemands illuminent la nuit. Véritable feu d’artifice. Pendant toute la nuit nos 75, nos 90, nos 120 tirent. Leurs éclairs auréolent le sommet des collines. Du côté allemand, silence absolu de l’artillerie. A 4h du matin, une de nos compagnies tente de reprendre la tranchée perdue à la baïonnette. Il fait si noir, que malgré les fusées éclairantes, la tentative échoue.

Au petit jour, l’adjudant Raccaglia, à la tête de vingt hommes porteurs de grenades à main, saute dans la tranchée, lance ses grenades dont l’une fait exploser une caisse de cartouches ; dans l’étroit boyau c’est une lutte d’un quart d’heure à la baïonnette, à la crosse de fusil ; les occupants ennemis sont tous tués ou blessés en ce court espace de temps et quand le soleil se lève ce sont des sentinelles françaises qui veillent aux meurtrières du petit-poste tant disputé. Nous avons quatorze blessés, deux tués, quatre indemnes.

Ainsi pour un petit-poste perdu il a fallu mobiliser un bataillon du 321ème, un bataillon du 35ème, quatre escadrons de dragons à pied, les 500 jeunes soldats du 170ème. Il a été tiré plus de 1500 obus. C’est l’affaire de Crouy qui nous vaut ce luxe de précautions.

Crouy est notre premier gros insuccès depuis septembre. Nous y avons laissé six mille hommes (2.000 prisonniers, 1.000 tués, 3.000 blessés) et vingt-six canons. Nous avons perdu toute la rive droite de l’Aisne de Soupir à Soissons. Nous conservons difficilement Soissons qui est bombardé furieusement à coups de 210. Les Allemands font autour de ce succès, une fanfare retentissante, comparant la bataille de Crouy à la bataille de Saint-Privat.

Cet insuccès serait dû, dit-on, à l’obstination qu’a mise le général Berthelot à refuser des renforts. Le général Berthelot a été l’un des admirables organisateurs de la victoire de la Marne, qu’il prépara aux côtés du général Joffre…*

  • Facebook
  • Twitter
  • Delicious
  • LinkedIn
  • StumbleUpon
  • Add to favorites
  • Email
  • RSS
Cette entrée a été publiée dans Un Goncourt dans la Grande Guerre, avec comme mot(s)-clef(s) , , , , , , , , , , , , , . Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>