29 août 1914 : Des convois de blessés passent.



29 août 1914 Deyvillers (Vosges)

Des convois de blessés passent : ce sont de longues suites d’auto-cars, d’omnibus automobiles, d’automobiles industrielles chargées de fantassins, de hussards, de chasseurs alpins ; parmi eux des officiers. Les têtes dodelinent, la plupart des hommes ont des blessures des bras, des mains, de la tête.

Je vais visiter le fort des Adelphes : brrr !longs couloirs souterrains, froids, suintant d’humidité !… J’aime mieux la rase campagne, malgré ses dangers. Tout est bétonné, blindé. Evidemment c’est imprenable, mais quelle vie on doit mener dans ces caves pendant un long bombardement : une vie de champignon idiot.

Des émigrés passent toujours.

On dit que 5.000 Allemands auraient été tués par notre artillerie près de Senones. Un commandant allemand blessé là et soigné à Epinal aurait déclaré : « La France se déshonore à jamais en utilisant les engins qu’elle a employés hier. » S’agirait-il des obus Turpin ? On dit également qu’au nord de Rambervillers les Allemands auraient subi des pertes énormes : seraient-ce les obus tirés par la batterie du 16ème avec laquelle je me trouvais hier ?

On n’entend presque pas le canon. Quelle différence avec hier ! Tout est paisible. Les poules annoncent à une lieue à la ronde qu’elles pondent malgré la guerre. Il fait une journée de précoce automne : un brouillard épais le matin ; le soir une brume rose. Mais de temps en temps des blessés passent qui nous rappellent à la réalité.

Mon bon ami, le sensible Courdoux, roule des cigarettes et relit le paquet de lettres égarées qu’il a reçu ce matin. Il partage avec moi les bonbons que la jeune fille de ses logeurs dispose chaque soir avec une exquise délicatesse auprès du chandelier sur la table de nuit.

Mais que se passe-t-il dans le nord ? Nous n’osons plus dire : que se passe-t-il en Belgique ?… On parle de la Somme… de notre front qui s’étend de la Somme aux Vosges… Ho, ho ! Le capitaine Gresser voit là une manœuvre destinée à amincir le front allemand en l’obligeant à s’étaler.

Le soir nous montons dans le haut du village voir ce qui se passe du côté de Rambervillers. Ce soir il n’y a point à l’horizon de lueurs d’incendie. Nous dormirons tranquilles.

  • Facebook
  • Twitter
  • Delicious
  • LinkedIn
  • StumbleUpon
  • Add to favorites
  • Email
  • RSS
Cette entrée a été publiée dans Un Goncourt dans la Grande Guerre, avec comme mot(s)-clef(s) , , , , , , , , , , , . Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>