23 août 1914 Deyvillers. Toute la nuit sont passés des camions-automobiles, des convois se dirigeant sur Epinal.



23 août 1914 Deyvillers (Vosges)

Toute la nuit sont passés des camions-automobiles, des convois se dirigeant sur Epinal. Bruit lugubre ! Bruit de retraite !

A Epinal, des trains chargés de blessés passent sans cesse. Pêle-mêle dans les wagons poussiéreux et chauds s’entassent blessés français et blessés allemands. Ils sont couverts de poussière. Leur barbe longue, leur visage crasseux, leurs vêtements en loque, leur donnent un air pitoyable. Parmi eux je vois un petit Saint-Cyrien qui a été légèrement blessé d’une balle à la tête. Je l’interroge avidement : « Nous revenons d’Alsace, ç’a trop bien marché dès le début. Nous nous sommes laissés attirer sur des endroits sournoisement fortifiés : tranchées en béton, mitrailleuses dans les clochers, canons de gros calibres… Une défensive infranchissable… Nos troupes fatiguées par la chaleur et par des combats quotidiens. Charges à la baïonnette sur des distances invraisemblables, des 700, des 800m !… Bref retraite générale de l’armée Dubail !… Parallèlement, l’armée de Pau en Haute-Alsace, obligée de suivre le mouvement après de gros succès, dont la prise de Mulhouse presque sans coup férir… » J’apprends que le 8ème corps (général de Castelli) a énormément souffert… Dans le train déjà chargé de blessés sont montés des femmes, des enfants fuyant l’approche de l’ennemi. Tout cela crie, pleure, supplie… Des infirmières de la Croix-Rouge distribuent du café, de la bière, des tisanes… Il fait une chaleur intolérable.

Ce soir à 5h, un parc de munitions vient s’installer à Deyvillers. Les chevaux sont maigres, couverts de blessures suppurées. Les hommes, énervés, sont brutaux, frappent à tour de bras les pauvres bêtes brisées de fatigue.

Le groupe de chasseurs cyclistes qui forme l’escorte du général Dubail traverse le pays, se rendant à Epinal, où se trouve reporté l’état-major d’armée, primitivement à Rambervillers. Beaucoup ont en guise de pèlerines des morceaux de la toile caoutchoutée d’un zeppelin abattu près de Celles.

(Bedel a découpé et collé un petit morceau de cette toile)

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