7 décembre 1918. Les peintres d’enseignes ne savent plus où donner de l’échelle et du pinceau



7 décembre 1918. Saint-Avold

Les peintres d’enseignes ne savent plus où donner de l’échelle et du pinceau. […] Ah ! ils en ont assez de ces changements d’enseignes ! Ca leur coûte cher. Et au prix où sont les chemises en papier vous jugez de ce que vaut le pot de peinture à l’huile !

Saint-Avold, vite, vite se « débochise ». Les gosses troquent leur calot feld-grau contre le bonnet de police bleu-horizon. […]

Les enseignes se transforment, la marchandise demeure. Ne cherchez chez le Schuhmacher de la Marktplatz que des chaussures de toile à semelles de bois, lacets en papier tressé. Vous y trouverez également des jambières en carton simili-cuir et des soques-semelles de bois et lanières de papier – dont je vois chaussés plusieurs enfants. Chez l’épicier tout est ersatz : ersatz de bouillon, ersatz de macaroni, ersatz de café, ersatz de graisses, ersatz de sucre. Le poivre coûte quatre marks le gramme. Le savon n’existe pas. Le marchand de « Pneumatiken » vend des roues jantées de ressorts à boudin. Les pneus de ma bicyclette excitent l’admiration des gosses qui tâtent du pouce pour voir si c’est du carton.

Cependant chez le pâtissier on consomme des ersatz de tartes aux pommes qui ne sont pas méprisables du tout. Il ne faut pas trop se demander ce qui entre dans leur composition. C’est farineux et c’est sucré. Et ça glisse agréablement dans le gosier.

Cependant à l’ENGEL-APOTHEKE, homoeupathische officin, chez le Dr Friedrich Zimmermann, on trouve de l’aspirine Bayer et toute la moderne pharmacopée.

Cependant chez Augustus Strauss, Homburg-Strass, on trouve du papier à lettres, des enveloppes, de l’encre, des cartes-postales, d’une qualité et d’un prix depuis longtemps ignorés en France.

Cependant chaque maison a son chauffage central, l’électricité, l’eau chaude, et le charbon est ici le luxe des plus pauvres. Compensation au manque de matières grasses.

Et l’on badigeonne et l’on peinturlure.

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