7 novembre 1918. Le ciel est gris et bas

7 novembre 1918.

Le ciel est gris et bas. La boue noire. Troupes kaki, Américains et Algériens. Nous resterons jusqu’à la dernière minute l’« armée-pivot »… Depuis le temps que les autres armées pivotent autour de nous, il commence à y avoir de la rouille dans le pivot. J’envisage avec inquiétude notre départ vers l’Alsace promise. Aujourd’hui, on parle de transporter notre Q.G. à Colmar. Va pour Colmar !… Mais quel déménagement ! Les éléments de secteur, les skieurs, l’artillerie de position, les ambulances alpines, les postes de réconfort, les muletiers…

Soir.

La fin approche… Derniers hoquets. Les mains se crispent aux draps… Les yeux se révulsent… On mande de Berlin : « La délégation allemande chargée de conclure un armistice et d’entamer des négociations de paix est partie de Berlin, aujourd’hui après midi, pour le front occidental. »

Le prêtre et le notaire… La guerre se meurt… L’allemand plie bagages, aujourd’hui il quitte les sommets atroces du Linge, du Reichacker, de l’Hilsenfirst, de l’Hartmannek où tant de sang français n’aura pas coulé en vain. Troupeau gris, morne et silencieux, écrasé de dépit et d’angoisse, il descend vers les plaines d’Alsace qu’il ne reverra plus… La guerre meurt. Il pleut. La guerre est née au grand soleil de l’été… Elle meurt aux jours noirs de novembre… Il pleut. Des troupiers ivres chantent la Chanson du Pinard… des petits crieurs de journaux sautent de flaque en flaque : « Le Petit Parisien !… » Des wagons d’essence incendiés dans la gare jettent sur les toits brillants de pluie des lueurs rouges… La ville est arrosée de sang. […]