15 juillet 1918.
On dit ce matin que l’offensive allemande est de nouveau déclenchée…
Je passe à bicyclette auprès de l’auto du général de Boissoudy, commandant la VIIème armée. Je salue. L’auto stoppe. Le général m’appelle d’un petit signe du doigt. Je m’approche. Je ressalue.
« Vous, me dit le général de Boissoudy, commandant une armée française, si vous n’agrafez pas le col de votre vareuse, je vous mettrai quinze jours d’arrêts. – Bien, mon général. »
Ce petit signe du doigt et ces quelques paroles d’un général commandant une armée française à un capitaine qui se permet la minuscule fantaisie d’ouvrir légèrement son haut de col de vareuse sur une impeccable cravate de chasse blanche, n’est-ce pas un signe des temps et une explication de nos dernières défaites ?… Je crois savoir que Franchet d’Espérey arrêtait également dans la rue les officiers multipalmés, légionnaires et brisqués qui dégrafaient le haut du col de leur vareuse… Franchet d’Espérey a perdu Noyon, Montdidier et combien de milliers d’hommes. Il est vrai qu’on l’a exilé aux lointaines Saloniques.
On dit, ce matin, que l’offensive allemande est de nouveau déclenchée… Plaise au Ciel qu’elle ne se déclenche jamais sous l’armée de Boissoudy.