28 mai – 4 juin 1918 : huit jours de repos à Sivry-la-Perche



Le mardi 28 mai 1918
Arrivée à Sivry-la-Perche à 4 h. Repos toute la journée. Les Allemands envoient une dizaine d’obus de 305 près du village de Sivry. Ils font des trous énormes dans les champs et les jardins environnants. Ils tirent beaucoup sur Béthelainville. Violente canonnade sur la rive droite de la Meuse. Avance allemande entre Reims et Soissons. On entend d’ici sonner le clairon à Froméréville. Le lieutenant Tuffreau part en permission, le sous-lieutenant Marouteau prend le commandement de la compagnie.


Mardi 28 mai 1918

Mon cher père,

Je suis arrivé ce matin à 4 h au repos dans le village de S…la P… [Sivry la Perche ‑ Meuse (additif ultérieur)] où j’étais du 17 au 24 mars dernier. Village abandonné et qui n’est plus habité que par des troupes du front qui y viennent au repos. Je crois que nous passerons là huit jours assez tranquilles. Les grosses pièces allemandes tirent dans les environs et ce matin il est tombé à quelques centaines de mètres du village une dizaine d’obus d’un calibre de 300 environ. Nous sommes pourtant à 10 ou 12 km des lignes.

Nous sommes logés tous les sous‑officiers de la Compagnie ensemble dans une maison où nous occupons quatre chambres, deux pour coucher, une pour notre cuisine, une comme salle à manger. Il y a longtemps que nous n’avions été aussi bien installés. Il manque plusieurs portes et il n’y a plus de vitres aux fenêtres mais ça va quand même en cette saison.

Les 16 jours que nous avons passés au M[ort]-H[omme] n’ont pas été trop pénibles et il n’y a pas eu de pertes à la Compagnie.

Vous recevrez dans les premiers jours de juin, à valoir sur ma solde de mai, comme délégation la somme de 85.50 F à la suite de nouvelles instructions, le chiffre ayant été changé. Vous me ferez prévenir si vous avez bien touché cette somme.

Le temps est beau et sec, et les quelques arbres qui restent sont couverts de feuilles.

Je suis en bonne santé. Je vous embrasse. Votre fils ‑ H. Moisy
Le mercredi 29 mai 1918
Repos. Nous passons dans la chambre chlorée à 15 h. Revue d’armes à 16 h. Les permissions sont encore une fois suspendues à cause de l’offensive allemande. Concert vocal par les musiciens brancardiers du 344, à 19 h.
Le jeudi 30 mai 1918
Bains-douches le matin. Tir le soir au champ de tir de Sivry-la-Perche. M[esse] de 8 h (+). Notre popote est installée à la première maison du village, sortie est, route de Froméréville, et nous y couchons dans deux chambres. Il y a ici une Coopérative. Il y a du vin à 1 F le litre. Je suis cité à l’ordre de la division pour l’affaire du 22 [et 23]mai. Le temps est nuageux et chaud.
Jeudi 30 mai 1918

Mon cher père,

Notre séjour au repos se passe très bien par un beau temps jusqu’à ce jour. Comme nous sommes dans un pays, c’est un peu plus gai que dans des camps en plein champ ou dans les bois, malgré qu’il n’y ait pas d’habitants. Je n’ai toujours pas vu de civils depuis le 16 mars. Les évènements qui se passent depuis quelques jours ne sont pas bien encourageants. De ce fait les permissions ont été à nouveau suspendues, ce qui augmentera le retard qu’il y avait déjà. Je viens d’être cité à l’ordre de la Division, pour une affaire qui s’est passée dans la nuit du 22 au 23 mai. J’aurai donc droit à la Croix‑de‑Guerre, avec étoile d’argent. Je vous disais dans ma dernière lettre que le pays était bombardé. Il l’a été seulement mardi avec des obus de 305, depuis c’est calme.

Je pense qu’à B[ourgueil] le temps est favorable pour vos travaux et pour la vigne, et… pour faire mourir l’herbe qui pousse dans la cour.

Ma santé est toujours bonne. Aujourd’hui Fête-Dieu, j’ai pu assister à la messe ce matin à 8 heures et communier. Dimanche, comme nous serons encore là, je ferai de même en pensant à vous qui serez à la procession à B[ourgueil].

Agréez, mon cher père, l’expression de mes bons sentiments.

Votre fils ‑ H. Moisy

Je vous envoie deux cartes illustrées que j’ai reçues dernièrement. Vous les conserverez avec les autres.
Le vendredi 31 mai 1918
Exercice et parade d’exécution le matin. Le commandant Chevallier est en permission, du 29 mai au 11 juin. L’après-midi, jeux auprès du village. Le temps est toujours très chaud.
Le samedi 1er juin 1918
Concours de manœuvre pour le bataillon près de la route de Sivry-la-Perche au bois de Béthelainville. La 22ème compagnie est la première (1ère section). Repos l’après-midi. Les Allemands sont sur la rive droite de la Marne.
Le dimanche 2 juin 1918
Repos toute la journée. Je vais à la messe de 7 h (+) et à celle de 9 h dite par l’Aumônier Divisionnaire de la 68ème Division. Il y a une épidémie de grippe au bataillon et beaucoup d’hommes sont malades.
Le lundi 3 juin 1918
Concours de tir le matin entre les meilleurs tireurs du bataillon, avec prix. Jeux sportifs pour la compagnie. Repos l’après-midi. Je reçois mon extrait de citation. Le sous-lieutenant Grillet rentre de permission.
Le mardi 4 juin 1918
Repos toute la journée. C’est notre dernier jour de repos et nous faisons nos préparatifs de départ. Notre repos a été excellent, nous avons été bien tranquilles et le temps a été beau. La plupart des officiers étant en permission, nous n’avons presque pas fait d’exercice. Nous quittons Sivry-la-Perche à 20 h pour aller en réserve à la tranchée Sonnois, aux mêmes emplacements que précédemment. Nous passons à travers champs par le Bois-Bourrus et la cote 232 et nous arrivons à 24 h.

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