23-27 mai 1918 : sur un commandement de « feu », nous déclenchons la fusillade



Le jeudi 23 mai 1918
Nous avions pour mission d’aller reconnaître les passerelles 41 et 42 établies par les Allemands sur le ruisseau de Forges, à 500 m à l’est de Béthincourt, et par lesquelles ils venaient pour inspecter nos lignes. Nous devions faire des prisonniers, si possible. Nous sommes 25, gradés compris. Une patrouille allemande traverse le ruisseau et se dirige vers nos lignes ; nous nous couchons dans l’herbe qui est très haute et nous les laissons passer. La nuit est belle, il fait clair de lune et nous voyons très bien les soldats allemands qui passent à une centaine de mètres d’où nous sommes.

En attendant leur retour, nous installons nos fusils-mitrailleurs, nous préparons nos grenades, nos fusils sont approvisionnés. Vers minuit et demi, la patrouille allemande se dirige de notre côté. Nous les laissons approcher à 25 mètres, nous sommes bien cachés dans l’herbe, le doigt sur la détente, rien ne peut signaler notre présence. Les Allemands approchent toujours, soit à genoux, soit en rampant. Sur un commandement de « Feu ! » du lieutenant, nous déclenchons la fusillade et nous lançons nos grenades. Les Allemands tirent également et pendant une minute c’est une petite bataille. Finalement, à travers la fumée, nous apercevons la patrouille allemande qui se replie en désordre et nous les poursuivons en tirant dessus jusqu’au ruisseau de Forges. Pendant ce temps nous faisons un prisonnier. Après avoir encore tiré dans la direction des passerelles, nous revenons vers nos lignes en nous appelant les uns les autres pour savoir s’il y a des manquants. C’est un tapage qui, en pleine nuit, s’entend à plusieurs kilomètres. A notre rentrée dans nos premières lignes, tout le monde répond à l’appel et il n’y a personne de blessé. Nous ramenons notre prisonnier au P[oste de] C[ommandement]. de la compagnie. Il a 19 ans et parle bien le français, il fait partie du 242ème d’infanterie qui a été envoyé dans ce secteur pour se reposer de la Somme. Le prisonnier est ensuite emmené à l’arrière. – La 4ème section monte en 1ère ligne à 22 h, et remplace la 2ème. Je vais avec ma demi-section au Groupe de combat n° 6, intersection du boyau de la Hayette et de la tranchée Kovel. – Orage le soir.
Le vendredi 24 mai 1918
Nuit très calme. Il y a deux patrouilles par la 3ème section. Nous travaillons à la tranchée Kovel la nuit, entre les îlots 5 et 6.
Le samedi 25 mai 1918
Deux patrouilles par la 3ème section. Le soldat Rulleau part en permission de huit jours qui lui a été accordée pour s’être emparé du prisonnier allemand et l’avoir désarmé.
Samedi 25 mai 1918

Mon cher père,

Bien reçu votre lettre du 19 courant. Merci de tous vos renseignements. Je suis heureux d’apprendre que vous avez reçu les différents envois que je vous ai faits. Je ne vous écris pas longuement. Je suis en première ligne et lundi soir je descendrai au repos pour huit jours. Le temps est bon. Le secteur est calme (1). Depuis huit jours j’ai des poux et je suis obligé d’en tuer tous les jours. Ca ne va pas mieux. Santé excellente.

Je vous embrasse. Votre fils ‑ H. Moisy

(1)Voir la citation décernée à la suite d’une capture de prisonnier.
Le dimanche 26 mai 1918
Le secteur est toujours très calme. Il y a encore deux patrouilles par la 3ème section. Nous réparons le réseau de fil de fer de notre première ligne et nous approfondissons le boyau de la Hayette. Les soldats tchèques Yahl, Obit, Yanda et le sergent Novacek sont décorés de la Croix de guerre par le lieutenant-colonel Caron pour la patrouille du 22[au 23]. Quelques obus sont tirés sur l’îlot 5. Je vois un Allemand sur la crête, vers Cuisy.
Le lundi 27 mai 1918
L’artillerie allemande tire sur la cote 304 et vers Avocourt de 2 à 4 h, puis le calme est rétabli. Les soldats tchéco-slovaques qui étaient arrivés au régiment le 12 mai quittent le front et retournent à Cognac, en passant par Verdun. Duel d’artillerie dans la journée. Le secteur avait été calme depuis huit jours et il n’est pas tombé d’obus aux abords de nos positions. Il y a onze saucisses allemandes en observation et nous ne pouvons pas circuler dans les tranchées. Depuis quatre jours, j’ai souvent regardé à la jumelle dans le village de Béthincourt et l’on n’y voit absolument personne. Nous sommes relevés à 23 h par la 18ème compagnie et nous allons au repos à Sivry-la-Perche. Violente canonnade sur la rive droite de la Meuse.

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