30 octobre 1917. Le cadavre d’un ennemi n’a pas d’odeur…



30 octobre 1917. Ferme Vauzains

Le cadavre d’un ennemi n’a pas d’odeur…

On piétine avec une sorte de frénésie cette boue nauséabonde, ces champs de mort reconquis.

De nouveau, le feu et le fer fouillent ce sol chaotique. Ce sont aujourd’hui le feu et le fer allemands. Hélas ! c’est aujourd’hui du sang français qui coule à Vaurain, à Laffaux, à Saint-Guilain. Un insouciant jeune sous-lieutenant d’artillerie qui passe entre les giclades de fumée noire tombe de son cheval. Je vais à lui : du sang s’échappe de ses cheveux noirs au-dessous du casque. Il hoquète. Il râle pendant une minute. Et dans la boue gluante, entre son ordonnance hébétée et moi, il meurt, tandis que son cheval effrayé par le tir s’enfuit la tête haute. Aidé par l’homme, je porte ce jeune corps chaud et mou au pied d’un cerisier déchiqueté et j’attends là que l’ordonnance ait ramené des brancardiers. C’est presque peu triste une telle mort, c’est si vite fait ! Et puis, l’habitude !…

Mes hommes sont relevés.

Leur teint en dit long sur l’excès de leur fatigue. Ils ont été magnifiques, partant en première vague le 23 avec les chasseurs des 1er et 31ème bataillons, prenant pied dans les carrières Montparnasse avec les sapeurs lance-flammes…

On nous annonce le repos. Le vrai repos dans une région riante de Seine-et-Marne.

Allons donc nous reposer.

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