29 octobre – 19 novembre 1917 : un mois déjà que je surveille une équipe agricole



Le lundi 29 octobre 1917
Je vais à Chevru et Faÿ.

Le mardi 30 octobre 1917
Je vais à La Ferté-Gaucher voir le dentiste militaire. Je vais prendre un bain aux bains municipaux de La Ferté. Il y a séance de cinéma à Choisy[-en-Brie].

Le mercredi 31 octobre 1917
Je vais à Champbonnois et à Chartronges.


Le jeudi 1er novembre 1917
M[esse] de 7 h ½ (+). Cérémonie militaire au cimetière à 16 h.
Le vendredi 2 novembre 1917

Je vais à Faÿ. Je fais un compte-rendu hebdomadaire au commandant du bataillon sur ce qui se passe dans mon équipe agricole.
Le samedi 3 novembre 1917
Je vais à Leudon.
Le dimanche 4 novembre 1917
Je vais me promener à la Bochetière le soir chez Mme Mécréant qui lavait mon linge jusqu’à ce jour. Depuis que je suis au Montcel, je le fais laver chez Mme Fontaine. Rentrée de 80 stagiaires. L’aspirant Picart et le sergent Lumineau partent en stage au canon de 37. Le capitaine Biron, commandant la 33ème compagnie, rentre de permission. Le sous-lieutenant Ciamborrani la commandait en son absence.
Le lundi 5 novembre 1917
Je vais aux Deux-Maisons et à Saint-Siméon.
Le mardi 6 novembre 1917
Je vais à La Ferté-Gaucher voir le dentiste. Le commandant Deffaut part en permission.
Le mercredi 7 novembre 1917
Je vais à Marolles[-en-Brie].
Le jeudi 8 novembre 1917
Je vais à Coulommiers à pied et retour de 12 à 17 h 30 (25 km). Il passe une quarantaine de camions d’artilleurs se dirigeant vers La Ferté[-Gaucher].
Le vendredi 9 novembre 1917
Je vais à Chevru et à Chartronges. Le sergent Lucas, vaguemestre du bataillon, part en permission, le sergent Deniau le remplace pendant son absence.
Le samedi 10 novembre 1917
Je vais à Chartronges.
Le dimanche 11 novembre 1917
M[esse] de 9 h ¼. On entend le canon du front. Le sous-lieutenant Ciamborrani part en renfort au 75ème et le sous-lieutenant Miroux au 52ème. Le commandant Deffaut rentre de permission.
Le lundi 12 novembre 1917
Je vais à Leudon et à Champbonnois.
Le mardi 13 novembre 1917
Je vais à Chartronges et à Faÿ. On entend le canon du front. La popote est installée au Montcel ce soir.
Le mercredi 14 novembre 1917
Je reste au cantonnement toute la journée Départ de 80 permissionnaires de la classe 1918.
Le jeudi 15 novembre 1917
Je vais à Champbonnois et aux Deux-Maisons. Il paraît à la décision du colonel que l’équipe agricole sera prolongée jusqu’au 30 novembre. Les sergents Pauthonnier et Barrière passent en subsistance à la 35ème compagnie. Le bataillon est en marche à Villers-Templon.
Le vendredi 16 novembre 1917
Je vais à Chevru.
Le samedi 17 novembre 1917
Je vais à Leudon et à Chartronges. Je loge seul dans mon cantonnement du Montcel depuis le départ du sergent P[authonnier]. Le bataillon fait un exercice de combat à Villers-Templon avec munitions réelles. Il y était hier. Mort de M. Debray, de Faÿ.
Le dimanche 18 novembre 1917
M[esse] de 7 h (+) et de 9 h ¼. Je vais à bicyclette à Provins, 26 km, de 12 à 17 h par Beton-Bazoches, Saint-Hilliers et Mortery.
Le lundi 19 novembre 1917
Je vais à Chevru, Leudon et Chartronges. On entend le canon du front. Le 21ème Corps d’Armée est toujours au repos aux environs de La Ferté-Gaucher.
C….. lundi 19 novembre 1917

Mon cher père,

Il y aura un mois le 22 novembre que je suis employé à la surveillance d’une équipe agricole et la durée de l’équipe est prolongée jusqu’au 30 novembre. Je suis, pendant ce temps, aussi heureux que possible. Très bien logé dans une petite chambre avec parquet et où je suis seul en ce moment. Bien nourri à la popote des Sous‑officiers de la 33ème.Absolument libre de l’emploi de mon temps tous les jours. C’est à moi de  décider le matin dans quelle direction je dois faire ma tournée de  la  journée. Aussi, quand à la fin du mois il me faudra reprendre mon  service à la Compagnie, il me semblera dur de faire à nouveau l’exercice et de prendre la garde.

Il y a une dizaine de jours, je suis allé un après-midi à Coulommiers. Hier dimanche je suis allé me promener à bicyclette à Provins qui se trouve à 26 km d’ici, en pleine Brie. J’ai ainsi parcouru tout ce pays de grande culture où l’on voit à perte de vue des champs labourés, des prairies, et des blés qui lèvent. Par-ci par-là, des silos de betteraves qui ont jusqu’à 100 mètres de longueur ; beaucoup de charrues brabants dans les champs qui sont commencés à labourer ; des meules d’avoine aux abords des fermes ; des troupeaux de 200 à 500 moutons, et combien d’autres choses qui attirent l’attention de celui qui n’est pas habitué à voir ces exploitations immenses.

Dans les fossés qui bordent la route viennent déboucher les tuyaux de drainage, car toute cette région est drainée et l’eau peut ainsi s’écouler facilement. Aussi tous les terrains sont labourés « à plat ». J’ai vu des champs de blé de 700 m de longueur sur 500 m de largeur sans une seule « raie creuse ». Le terrain est tout uni pour faciliter le fauchage à la moissonneuse-lieuse. Le blé est semé au semoir en ligne et aussi un peu au semoir à la volée. Et en cette saison où le blé lève on voit très bien tous ces petits sillons bien alignés et entre lesquels il sera plus facile de couper les chardons avec un petit outil exprès.

Dans la région où je me trouve, il y a bien de grosses fermes mais pas mal de petites. Il faut vous dire que les gens du pays appellent « petites » les fermes de 40 hectares. Ce serait une très grosse chez nous. En dehors de la culture des grains, les fromages sont un gros revenu et les fromages de la Brie sont renommés. Ce sont des fromages de 50 centimètres de diamètre et d’une épaisseur de 4 ou 5 centimètres, ils pèsent 5 kilos. Le prix est d’environ 10 F le fromage. Tous les mercredis les fermiers partent en voiture à 4 roues au marché de Coulommiers avec 100, 120 ou 140 fromages de 10 F la pièce. C’est un bon revenu à ce prix-là. Seulement les vaches sont très chères. Un fermier chez qui je vais toutes les semaines et où il y a des soldats a acheté il y a quelques semaines au marché de Coulommiers 9 vaches pour 12 000 F. Il m’en faisait voir une de 1 325 F qui n’était pas très grosse. Les chevaux valent 2 500 F. Il faut aujourd’hui 60 000 F pour monter une ferme de 200 hectares en matériel et bestiaux. Un fermier est donc déjà un gros propriétaire. Et la plupart de ces fermes sont dirigées actuellement par des femmes de 20 à 35 ans.

Je vous en mettrais ainsi 20 pages sur mes impressions, tellement c’est intéressant.

Je suis toujours en bonne santé, je mange et je dors bien. Je pense qu’il en est de même pour vous. S’il y a des jours où vous vous sentez moins bien vous n’avez qu’à rester auprès de votre feu.

Le temps est couvert et brumeux depuis une semaine. On entend le canon d’ici depuis quelques jours.

Mon cher père, je vous adresse l’expression de mes sentiments affectueux. — Votre fils ‑ H. Moisy

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