29 décembre 1915.
J’ai passé la journée sur les crêtes, du Kastelberg au Rothenbacherkopf, avec le général de Berckheim qui venait faire activer les travaux des batteries de planquement de notre position. Pas commodes ces travaux, sous les yeux de l’ennemi et, à certains endroits, sous deux mètres de neige.
Le temps était beau. On se canonnait ferme sur l’Hartmann, lamentable tache grise entre le bleu sombre des forêts du Schepfennieth et le rose tendre des Alpes bernoises. Ah ! le rose presque pudique de la Jungfrau devant nos luttes !
Un loup est venu rôder cette nuit autour de nos baraques. Il a été vu par les hommes de garde et il a laissé dans la neige des traces non équivoques. On a pu reconstituer sa promenade : après avoir tourné autour de l’endroit où se trouve la viande congelée, il s’est dirigé vers le Kastelberg où les réseaux de fil de fer l’ont arrêté. Il a rebroussé chemin et s’est enfoncé dans la forêt entre Schmargult et Breitsouzen.
Le gibier est très abondant dans notre coin sauvage : lièvres, martres, renards, chevreuils… chassés des forêts et des prairies de la vallée de la Fecht par le bruit des combats, ils sont venus se refugier sur nos hauteurs.
Je ne parle pas, bien entendu, des rats. Ils sont légion. Cette nuit, à différentes reprises, ils ont tenté l’assaut de ma cabane, dans un vacarme très guerrier. Mes planches ont vaillamment résisté à leurs dents et à leurs griffes mais mon sommeil n’a pas résisté à leurs cris.
incroyable ce qu’une armée de rats est capable de faire!
Heureusement les planches de la cabane tiennent bon !
Constat intéressant : En 1915 il y avait des loups dans les Vosges…Leur réintroduction ces dernières décennies n’est donc pas une action dénuée de sens, si l’on considère le peuplement faunistique autochtone antérieur…