Le dimanche 26 septembre 1915
Nous arrivons au bivouac des Hauts-Bâtis à 3 h. Nous couchons sur la terre sous nos tentes. Repos toute la journée. Beaucoup d’hommes qui n’avaient pu suivre la compagnie ou qui s’étaient égarés dans les boyaux rentrent individuellement. Nettoyage des armes et des effets. Temps nuageux.
Dimanche 26 septembre 1915 – 13 heures
Mon cher père,
Comme je vous l’avais fait prévoir dans ma dernière lettre, j’ai passé hier une terrible journée, j’ai enduré en souffrances, en inquiétudes, en privations et en dangers de toutes sortes tout ce qu’un homme peut endurer. Nous avons quitté le bivouac où nous nous trouvions vendredi, à minuit, nous nous sommes rapprochés des lignes et là nous sommes restés de 3 h à 8 h. Ensuite nous nous sommes encore approchés à travers la mitraille et l’attaque a eu lieu par une autre division que la nôtre. Nous nous trouvions seulement en réserve. Nous sommes restés à la disposition des troupes d’attaque toute la journée et ce n’est qu’à la fin de la journée que nous nous sommes avancés en première ligne et tout s’est terminé là. Nous n’avons eu que quelques blessés mais les régiments d’attaque ont perdu beaucoup d’hommes et nous n’avons pas obtenu le résultat espéré. Dans les tranchées et les boyaux nous passions par-dessus les morts et les blessés. De plus, il a fait mauvais temps toute la journée, la pluie n’a pas cessé, si bien qu’à 9 h hier soir quand nous avons quitté les lignes pour revenir à notre bivouac nous étions trempés jusqu’à la peau. Enfin, ça a été une terrible journée comme je n’en avais pas vu depuis longtemps, c’était pire qu’au 13 juillet. Nous sommes rentrés au bivouac dans le bois où nous étions la veille ce matin à 3 heures et nous nous sommes couchés tout mouillés sur la terre humide. J’ai bien dormi quand même et aujourd’hui nous nous sommes reposés toute la journée. J’ai eu de quoi m’occuper toute la journée à nettoyer mon fusil, mon sac et mes effets. J’étais plein de boue de la tête aux pieds.
Douze kilomètres dans des boyaux profonds et étroits
Il faut avoir vécu des journées comme celle-là ; une fois revenu dans le civil et libre, je ne recommencerais pas une journée pareille pour 500 000 francs, d’abord à cause du danger, et ensuite pour la fatigue. C’est inimaginable, nous avons fait dans la journée d’hier plus de 12 km dans des boyaux profonds, étroits, mal unis. Enfin, c’est passé et bien passé pour moi, à une autre fois.
Je ne sais pas combien de temps nous allons rester ici, ni où nous irons ensuite.
Je me porte bien malgré la fatigue et la pluie, et j’ai toujours bon appétit.
J’ai reçu ce matin une lettre de Clément Moisy. Auguste se porte toujours bien.
Recevez, mon cher père, l’assurance de mes sentiments affectueux.
Votre fils ‑ H. Moisy