18 septembre 1915. C’est très bien d’habiter une fromagerie.



18 septembre 1915. Schmargult

C’est très bien d’habiter une fromagerie. Encore faut-il y connaître le confort. Charruey et moi nous avons décidé une expédition fructueuse sur l’ex-hôtel du Hohneck, où il y a encore quelques tables de toilette et quelques chaises à sauver des marmites et… des habitants des pentes du Hohneck. L’hôtel, en partie démoli par les 150, est gardé par un Cerbère que nous ne nous attendions pas à avoir à apprivoiser. C’est en l’occurrence un capitaine de la territoriale que ni nos sourires, ni nos menaces ne peuvent vaincre. « Vous n’emporterez ni une chaise, ni une cuvette, nous dit-il. Et puis d’abord vous, le docteur, tâchez donc de ne pas vous montrer autant que ça. Vous allez nous faire marmiter. »

J’ai beau lui expliquer que c’est justement parce que le palace est marmité que je veux mettre à l’abri à Schmargult ce qui reste du mobilier. Cet homme insensible ne cède pas. Et nous revenons bredouilles alors que le commandant X., le capitaine Y., le colonel Z. ont dans leur gourbi les belles armoires en pitchpin, la vaisselle à fleurs roses, les fourneaux de cuisine, les vases à fleurs, les couteaux, les fourchettes, les cuillers et les coupes à champagne dudit hôtel. J’ai même vu la baraque du capitaine D. entre la Schlutcht et le Hohneck entièrement faite avec les boiseries, les portes et les fenêtres de l’hôtel. Il y a salle de bains avec baignoire, cuisine avec placards, salon avec fauteuils… Dans cette région-est le scrupule du pillage disparaît : toute construction, toute villa, tout hôtel étaient allemands.

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Une réponse à 18 septembre 1915. C’est très bien d’habiter une fromagerie.

  1. pponsard dit :

    Jugulaire, jugulaire ce capitaine de la Territoriale…Et plutôt borné !
    Bien entendu si le  » tampon » d’un colonel ou d’un général vient faire des emplettes dans l’hôtel pour son patron, le cerbère territorial sera plus conciliant…

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