18-23 septembre 1915 : de l’exercice en attendant l’attaque



Le samedi 18 septembre 1915
Réveil à 1 h. Quitté la ferme de la Thibeaudette à 3 h 30. Arrêt de deux heures aux Islettes. Tout le 131ème quitte les Islettes à 6 h, avec les voitures de compagnie et les cuisines. Nous partons par la route de Sainte-Ménehould et nous passons toute la journée dans les bois à l’ouest de Florent. Le soir à 18 h, nous rentrons dans Florent pour y cantonner. Défilé devant le drapeau. Il arrive un renfort pour le régiment (21 hommes à la 5ème compagnie). Beau temps.


Le dimanche 19 septembre 1915
Je suis allé aux messes de 6 h et de 10 h dans l’église de Florent. Bains-douches pour ma compagnie. Corvée de piquets dans le bois à 14 h. Arrivée d’un renfort (26 hommes à la 5ème compagnie). Des aéros et des Taubes ont survolé la région. Très beau temps.
Le lundi 20 septembre 1915
Je suis de jour. Affectation dans les escouades des hommes nouvellement arrivés. Lecture de notes et signaux. A 13 h, le régiment va en marche-manœuvre sur le terrain de Sainte-Ménehould. Vu aéros et Taubes. Très beau temps.
Le mardi 21 septembre 1915
Je suis allé à la messe de 6 h (+). Exercice le matin. L’après-midi, théorie par le lieutenant Vannier sur les méthodes d’attaque et de progression. Concert par la musique du 131ème et chants à 17 h sur la place principale. Beau temps.
Mardi vingt et un septembre 1915
Mon cher père,
Comme je ne vous avais pas écrit depuis plusieurs jours, je vous ai envoyé une carte hier pour vous faire patienter, aujourd’hui je vais m’exprimer plus longuement.

Je ne vous dirai pas exactement où je me trouve, en principe c’est défendu, mais je ne suis qu’à 1500 mètres d’un village où j’allais cantonner assez souvent depuis longtemps. Seulement au lieu de faire des périodes de tranchée et de repos, nous sommes au repos depuis le 9 septembre. Nous faisons l’exercice et ce n’est pas trop pénible. Le village où nous sommes est très bien ravitaillé et il y a même du cidre nouveau. J’en bois aujourd’hui, il vaut 0, 30 F le litre ; nous payons le vin 0, 80 F le litre.

Nous voyons tous les jours des aéroplanes français et allemands qui viennent voler au-dessus de nous. De même nous entendons tous les jours la canonnade, mais nous n’entendons pas la fusillade car nous sommes à environ 11 km du front. Nous attendons toujours sans savoir ce qu’il adviendra de nous.

Il n’est pas parti de permissionnaires depuis le 6 septembre, à notre régiment.

En partant de chez nous je vous avais prévenu que ma bicyclette avait un clou à la roue de derrière. Vous enlèverez le clou qui, en rouillant, abîmerait le caoutchouc, et vous marquerez l’emplacement du trou en attachant une ficelle autour de la roue à cet endroit. De cette façon ce sera plus facile à la réparer pour celui qui voudra s’en servir, car Eugène pourra s’en servir s’il en a besoin, surtout quand il a de longues routes à faire.

Depuis que je suis revenu j’ai toujours couché sur la paille, dans des granges et presque toujours sur de la vieille paille et pourtant je n’ai pas, ou presque pas attrapé de poux, je ne m’en suis encore trouvé que trois en 15 jours.

Nous avons de bonnes nuits pour dormir car le réveil n’est qu’à six heures. Ce matin le réveil était à 6 h ½ et le départ pour l’exercice à 7 h ¼. J’en ai profité pour assister à la messe de 6 heures et j’ai communié. Comme il y a beaucoup de prêtres‑infirmiers, il y a des messes continuellement de 5 heures à 8 heures, tous les matins.

Je n’ai pas besoin de vous rappeler d’entretenir mes effets en bon état, vous n’aurez qu’à continuer comme par le passé et ce sera très bien. Une femme ne saurait mieux faire.

J’ai reçu hier une lettre de Madame Bindé.

Il fait par ici un temps superbe depuis plusieurs jours. Il y a beaucoup de pommiers dans le pays et ils sont chargés de pommes, aussi nous en mangeons à volonté.

Je me porte très bien. Croyez à toute mon affection.

Votre fils H. Moisy

Je vous envoie quelques cartes que vous conserverez. H. M.

Fernand Samson continue à m’envoyer les journaux, vous penserez à le payer quand il le faudra.
Le mercredi 22 septembre 1915
Exercice de bataillon le matin. Défilé. De 14 à 17 h, revue de vivres, de cartouches, de chargement intérieur du sac, d’outils et de campement. Bombardement français violent et ininterrompu dans la Marne. Jour et nuit on entend le roulement du canon. Très beau temps.
Le jeudi 23 septembre 1915
Repos et distribution du matériel manquant. J’apprends aujourd’hui la mort d’Octave Montigny qui a été tué à Souchez le 14 septembre. Le régiment quitte Florent à 14 h et va bivouaquer dans les bois des Hauts-Bâtis, le long de la route de Vienne-la-Ville. Le bombardement continue dans la Marne. Très beau temps.
Jeudi 23 septembre 1915 ‑ 14 heures
Ma chère Eugénie,

J’ai reçu hier ta lettre datée du 19 courant, depuis quelques jours j’en reçois régulièrement.

J’ai écrit à Aimée hier et je lui disais que j’avais reçu ta lettre.

Je n’ai pas grand-chose à ajouter à la lettre que j’écrivais hier, il n’y a pas beaucoup de changement.

Nous quittons à l’instant le village où nous étions depuis cinq jours et nous partons je ne sais où. Je viens de recevoir une lettre de Clément Moreau qui se porte bien.

Santé toujours bonne. Beau temps. Le canon tonne sans interruption. Je t’embrasse affectueusement. ‑ Ton frère, ‑ H. Moisy

Auguste est en bonne santé, il a reçu ta lettre.

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