29 mai 1915. Ce n’est plus la guerre.



29 mai 1915. La Genauraie1

Ce n’est plus la guerre.

Après plusieurs mois de silence, le cahier de 1914 resté à la Genauraie, qu’il avait abandonné pour commencer son Journal de route et que sa femme avait continué d’août à la fin décembre 1914, reprend vie.

L’été est revenu et moi je suis venu… Entre l’hiver et l’été est venue Christiane.

Et si aujourd’hui, par un beau soleil, au chant des oiseaux et devant les sourires de Christiane, j’ouvre ce cahier pour rendre de la vie à ses pages endormies c’est parce que l’autre cahier, celui de la guerre, est momentanément fermé, en raison d’événements dramatiques qu’on y trouvera narrés tout au long.

Je ne veux plus conter de drames. Ici, à la Genauraie, c’est la paix. Il me semble avoir été transporté par la baguette d’une fée dans un de ces pays des contes bleus où les oiseaux, les fleurs et les enfants nouvellement nés parlent le langage des hommes.

Point de jurons, des rires. Point de fumées au ciel, point de déchirures de l’air, point d’hommes étendus immobiles et gonflés dans la boue et dans la fange des tranchées, point de risques à la vie, point d’interrogations vers un avenir prochain comme la minute qui suit la minute… Non, une jeune femme blonde qui nourrit un enfant blond sous les vastes branches d’un arbre centenaire. Des minutes qui se suivent semblables à elles-mêmes dans leur adorable monotonie. Je les noterai quand même car leur monotonie est justement faite de ces mille riens minuscules et sans relief dont je fais, après les repas orgiaques de la guerre, la nourriture de mes sens et de mon cœur. (Bedel laisse un « blanc » d’une ½ page)

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La Génauraie, à Thuré, près de Châtellerault

La Génauraie, à Thuré, près de Châtellerault

Belle demeure, acquise par ses beaux-parents dans le Châtelleraudais ; il la fera sienne jusqu’à sa mort. Bedel y passe sa convalescence en compagnie de sa femme et de sa fille.

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Une réponse à 29 mai 1915. Ce n’est plus la guerre.

  1. pponsard dit :

    une parenthèse de retour à la vie normale bienvenue et bienfaisante dans le calme de la campagne poitevine.
    Avant le retour en enfer fin juillet…

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