30 avril 1915. Abris…



30 avril 1915.  Abris…

Il fait un temps merveilleux. En quelques jours les hêtres se sont couverts d’un feuillage tendre dans lequel se joue le soleil.

Assis avec Plaisant à la lisière de la forêt je m’amuse de voir tomber les gros obus allemands dans les vergers fleuris du village d’Haudiomont. Le canon tonne aux Eparges. Ce tonnerre a le don d’effrayer considérablement le s/lieutenant D.br…ll.t1 arrivé récemment du dépôt. Il donne les signes d’une grande inquiétude et d’une grande agitation. Pendant le déjeuner que nous faisons en plein air il ne dit pas un mot et n’avale pas un morceau. Et nos propos le glacent. En effet nous convenons que le rendez-vous des officiers blessés sera à Saint-Jean-de-Luz où Plaisant nous annonce « d’agréables jeunes filles de sa connaissance affectées aux soins des blessés »

A 5h30 ordre de départ pour 6h.

Je pars en avant reconnaître le terrain avec les commandants de compagnie. Nous avançons, à la nuit tombante, sur la tranchée de Calonne, grand’route poussiéreuse qui traverse les forêts des Hauts-de-Meuse. Le capitaine Lefolcalvez ne se tient pas de joie de commander le bataillon. Le capitaine Gresser marche à grandes enjambées vers le combat. Cocagne grogne. Plaisant est inquiet. Boby se tait.

Nous parvenons à un carrefour où les balles sifflent. Là, autour d’un gourbi, le colonel du 126ème que nous relevons nous donne de vagues indications : « Pas de tranchées… Pas de fils de fer… Des broussailles… gare aux « écureuils ». Et il nous explique que les écureuils sont des Allemands juchés au haut des arbres, bons tireurs qui frappent toujours à la tête. Et dans l’obscurité la plus complète, sans incident, la relève s’accomplit.

Je trouve, près de la ligne de feu, un gourbi occupé par Gauthier, médecin des zouaves. Là-dedans fermente la sueur d’une vingtaine de tirailleurs et de zouaves. Ils se sont battus hier et ont fait de grosses pertes. Le colonel des zouaves a été tué. Et plusieurs officiers avec lui.

A 4h du matin, Gauthier me quitte emmenant ses blessés et me laisse là avec quelques centaines de poux qu’il n’a pu évacuer. Ah ! les satanés poux marocains !

1

Il s’agit de Dubrouillet, dont Bedel parlera ensuite.

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