26 avril 1915. La journée s’est écoulée, très belle sous le soleil.



26 avril 1915. Saint-Julien- Souilly (Meuse)

La journée s’est écoulée, très belle sous le soleil. Nous avons manœuvré pendant la matinée sous les yeux du général Capdepont, notre divisionnaire. Après quoi nous déjeunâmes sur l’herbe et rentrâmes au cantonnement la tête pleine de beaux projets pour demain…

A 5h30 je vois passer un des cyclistes du colonel : « Ca chauffe, mon lieutenant. » et il file. Le cuisinier Munier active la cuisson des rognons sauce-vin : « Paraît qu’on fout le camp dans une demi-heure, M’sieu Bedel… »

C’est dans la tradition. Les cyclistes et les cuisiniers savent avant les officiers les décisions du colonel.

En effet nous recevons l’ordre de nous tenir prêts à embarquer en automobile à 6h.

A 9h, à la Romanie, sur la grand’route de Sainte-Menehould une longue file de camions automobiles, à bâche grise, vient se ranger. Dans chaque voiture un paquet de seize hommes s’engouffre. Notre bataillon nécessite donc l’emploi de cinquante camions. Précédés par le 174ème, également en automobiles, nous filons sur la route blanche, aux rayons de la lune, vers un point inconnu de la Meuse. Le cortège est formé de 350 camions qui marchent à une vive allure, dans un ordre parfait.

Je suis monté avec Roederer dans la bonne petite voiture de l’officier commandant les camions de notre bataillon.

Nous traversons Sainte-Menehould, aperçu dans un demi-sommeil. Grandes maisons grises à façades camuses.

Clermont-en-Argonne sous la lune c’est Pompéï à cause des colonnes formées par les cheminées qui ont tenu bon. Ce monceau de ruines a une beauté que tant d’autres ruines ne m’avaient jamais montrée.

Nous traversons l’Argonne silencieuse troublée par le ronflement de ces innombrables moteurs. Nous traversons Les Islettes ; nous entrons au petit jour dans la vallée de la Meuse que nous descendons vers le sud jusqu’à Souilly.

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Une réponse à 26 avril 1915. La journée s’est écoulée, très belle sous le soleil.

  1. pponsard dit :

    c’est terrible la guerre, même pas le temps de savourer en paix les  » rognons sauce-vin » du cuisinier de  » M’sieu Bedel », le nommé Munier…

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