1er mars La Veuve (Marne) Route de Châlons à Reims
Un pays peut-il s’appeler la Veuve ! Oui, il le peut. Celui-ci est plat, blanc, mal bâti, rachitique et punaiseux – pouilleux, quoi. La Veuve ! Il y fait froid, sale, il y fait un vent qui coupe les lèvres, il y fait triste comme dans les quartiers lépreux de la zone militaire de Paris.
Des bouchers militaires ont vécu là pendant 6 mois. Dans les cours, dans les ruelles, dans les granges on marche sur des ossements, des quartiers de viande pourrie… La Veuve ! Oui, un pays peut s’appeler ainsi et porter bien ce nom.
Que faisons-nous ici ? Nous nous concentrons… Nous nous concentrons… Partout autour de nous, à Tours s/Marne, à Condé s/Marne, à Aigny, à Uraux, tout le long de la plate rivière, nous rencontrons des cavaliers, dragons, chasseurs, hussards… Sur la route, un régiment d’artillerie nous double dans un grand bruit de caissons secoués, de pièces bondissantes. On se croirait aux premiers jours de la mobilisation…
Cette guerre !… Cette guerre !… Après les tranchées, les routes et la boue blanche, après la glaise jaune la craie liquide. Pas de lyrisme. Pas d’élan. « On n’est beau que si l’on tombe, s’écrie le petit Hartmann, eh bien ! tombons ! ». Nous sommes là en lisière du camp de Châlons. C’est par là, dans ces plaines froides que nous irons nous battre demain.
Pas vraiment la franche gaieté dans le sinistre village de La Veuve…
Surprenant de rencontrer autant de cavaliers de tous nos régiments de cavalerie encore à cheval, après ces presque 5 mois de stagnation forcée sur la ligne de front…
L’expression de M.Bedel » on se croirait aux premiers jours de la mobilisation… » semble tout à fait pertinente en l’occurrence.