26 – 29 janvier 1915 : Henri Moisy et la souffrance de la soif



Le mardi 26 janvier 1915
Alerte pendant la nuit, nous montons nos sacs et nous attendons de 23 h à 3 h. Comme il ne se passe rien d’anormal nous démontons nos sacs et nous réinstallons nos toiles de tente. Le temps est toujours très froid et il y a beaucoup de neige. Canonnade le jour, fusillade la nuit.


Le mardi vingt six janvier 1915 – 14 heures
Mon cher père,

Je puis encore aujourd’hui vous donner de mes nouvelles, c’est vous dire que je suis toujours vivant et bien portant. Je n’ai rien de bien particulier à vous annoncer aujourd’hui. La vie que je mène en ce moment est celle que j’ai presque toujours menée depuis le 2 octobre, des périodes de 6, 8 ou 10 jours à passer dans les tranchées et, entre chacune, une période de repos dans un village à 15 kilomètres en arrière de la ligne de feu. Dans les périodes que l’on passe aux tranchées il y a des moments très difficiles et très dangereux comme il y en a de bons.

Je me trouve en ce moment dans les tranchées de première ligne et l’endroit n’est ni bon ni mauvais. Et puis la période de tranchée que je traverse en ce moment est bientôt finie et d’ici deux ou trois jours nous retournerons au repos. Nous sommes en ce moment en pleine forêt de l’Argonne, aux environs du Four-de-Paris, presque à l’endroit où j’avais passé le mois d’octobre et d’où j’étais parti le 7 novembre. La situation et le terrain sont bien meilleurs qu’à Vauquois où j’ai passé mon temps depuis le 22 novembre.

Ici il n’y a point d’eau dans les tranchées, le terrain est rocailleux et absorbe toute l’humidité. Et puis nous sommes entourés de taillis et de chênes et il est impossible de nous voir à 100 mètres. L’ennemi se trouvant à environ 300 mètres de nous, nous pouvons donc circuler derrière nos tranchées pour aller couper du bois de feu, et cela même en plein jour. C’est une grande commodité. Le bois ne nous manque jamais où nous sommes et pour faire du feu il n’y a qu’à prendre du gros et du petit. Nous abattons jusqu’à des chênes de la grosseur d’un décalitre. Nous touchons de la nourriture en quantité moins grande qu’il y a deux mois et les rations semblent diminuées. Je n’en souffre pas encore pour cela. Ce qui pourra vous paraître incroyable c’est que depuis jeudi que nous sommes par ici, nous souffrons de la soif. Il n’y a pas de source auprès de nous et il y a plus de 3 km pour apporter la cuisine jusqu’à nous. On nous apporte rarement à boire et dimanche j’ai mangé de la neige pour me désaltérer. Que serait-ce si c’était au mois d’août. Enfin dans trois jours nous irons où il y a du vin blanc à 12 sous le litre et de l’épicerie à volonté. Nous y avons passé la journée du 20 janvier. – Je m’arrête sur ces détails. Je pense que vous vous portez bien et vous souhaite une santé toujours bonne. Je pense toujours à vous et j’ai souvent des nouvelles de vous par Aimée et Eugénie.

Votre fils qui vous aime. ‑ H. Moisy
Le mercredi 27 janvier 1915
Il fait tellement froid que nous faisons du feu jour et nuit dans la tranchée.
Le jeudi 28 janvier 1915
Fusillade à plusieurs reprises le jour et la nuit. Nous faisons nos préparatifs pour la relève qui doit avoir lieu cette nuit.

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