25 janvier 1915 : avec nos peaux de mouton, nous ressemblons à des fauves



Le lundi 25 janvier 1915
Nous touchons des cartouches, des conserves et diverses choses. Les tranchées allemandes sont dans le bois et comme il est très garni, nous ne les voyons pas.


Le lundi 25 janvier 1915, 14 heures.
Chère Eugénie,
J’ai reçu ce matin ta lettre datée du 17 et contenant une carte illustrée et des coupures de journaux. En même temps, j’en ai reçu une d’Aimée, datée des 16 et 18.

Je te remercie de m’avoir donné les résultats du Conseil de Révision. J’espère enfin que la classe 16 ne fera pas la guerre. En tout cas, ce sera des soldats bien jeunes. Si tu voyais ceux de la classe 14 qui sont avec nous, ils paraissent nos enfants, à nous autres réservistes avec nos vieilles barbes.

J’ai appris par des camarades la mort de bien des jeunes gens du pays, en particulier Henri Bienvenu, Bignon jeune, Eugène Mary, et d’autres. Je m’étonne que tu ne m’en aies pas parlé. Tu peux me dire tout ce qu’il en est, car à voir ce que je vois, je sais très bien qu’il doit y avoir des absents un peu partout.

La température est très pénible, le temps est couvert et froid, et heureusement sec en ce moment.

Dans la tranchée que j’occupe, nous avons du feu toute la nuit, et nous ne sommes couverts que par des toiles de tente qui sont tendues d’un côté à l’autre. De plus, il faut avoir l’œil et l’oreille constamment ouverts, il est donc à peu près impossible de dormir. Le ravitaillement se fait assez difficilement, et nous avons été deux jours sans boire, hier j’ai mangé une poignée de neige pour me désaltérer. Enfin, hier soir, nous avons eu de l’eau et chacun un quart de vin.

Il n’y a pas de danger où je me trouve, mais beaucoup souffrent des pieds. Moi, je me porte bien jusqu’à ce moment.

Auguste Travaillé est toujours là, je lui ai fait part de ta lettre et il t’envoie un bonjour amical ainsi qu’à Georges.

Pour me garantir du froid, j’ai une peau de mouton toute entière qui me couvre le dos, la poitrine et les épaules.Nous en avons presque tous, nous ressemblons à des fauves.

Au moment où je t’écris, les obus français sifflent au-dessus de ma tête et s’en vont tomber dans les lignes allemandes. C’est la musique journalière depuis le 2 octobre. Nous en avons aussi quelques-uns, mais beaucoup moins qu’eux.

Bonjour et amitié à tout le monde. Ton frère, ‑ H. Moisy

  • Facebook
  • Twitter
  • Delicious
  • LinkedIn
  • StumbleUpon
  • Add to favorites
  • Email
  • RSS
Cette entrée a été publiée dans Eugène à la guerre, avec comme mot(s)-clef(s) , , , , . Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>