12 décembre 1914. Les ordres sont dictés…



12 décembre 1914. Cutry

Les ordres sont dictés… Discussion entre les capitaines sur l’ordre de bataille des compagnies. Les disposera-t-on en commençant par la droite ou bien par la gauche ?… Il faut savoir qu’à droite les Allemands sont occupés à miner une de nos tranchées…

Ha ! ha !nous y allons enfin dans les tranchées… Déjà notre mentalité change : on nous en a tant conté !… Nous a-t-on assez parlé de sifflement incessant des balles, de l’éclatement insupportable des petites marmites lancées par les crapouillots !…

Nous allons, à nous seuls, relever toute une division. Notre bataillon est chargé d’occuper le secteur dit « secteur de Berry » au nord-est de Vic-sur-Aisne.

A 9h1/2 ce matin deux officiers par compagnie et moi partons de Cutry pour, avant la nuit, aller reconnaître les tranchées à occuper.

Le temps est beau. Nous marchons d’un pied léger, très gais à la perspective d’une vie nouvelle. Nous suivons la belle route de Soissons à Compiègne, bordée de superbes peupliers que les obus ont bien voulu épargner.

Jusqu’à Vic-sur-Aisne tout va bien, tout paraît simple, clair et facile…

A Vic, presque personne dans les rues, quelques militaires qui longent les murs… Les maisons ont leur toit troué, leurs murs éventrés par les obus… Le pont sur l’Aisne a été dynamité en septembre, mais dans la précipitation de leur retraite de la Marne, les Allemands l’ont mal démoli. On y passe aisément grâce au renfort de quelques poutres.

Nous traversons la ville en groupe compact, suivis des fourriers, des cyclistes et des caporaux d’ordinaire. A la sortie, alors que nous nous engageons, en bavardant, sur la route de St Christophe, un sergent du 44ème d’infanterie court après nous : « Messieurs les officiers ! Messieurs les officiers !… Vite ! Dispersez-vous ! Vous allez vous faire canonner !… » Nous nous éparpillons. Il nous explique qu’à la ferme de la carrière St Victor qui nous domine, là, à gauche, se trouvent des observateurs allemands qui font envoyer des obus sur les groupes de militaires se risquant sur la route… Un par un nous nous avançons en une longue file indienne, nous dissimulant derrière les arbres, les talus… La voie de chemin de fer sur laquelle nous nous sommes engagés pour mieux nous défiler est en effet bordée d’ « entonnoirs » de toutes les dimensions.

Nous passons devant Saint-Christophe dont toutes les maisons sont crevées par les obus.

Et nous arrivons à Berry, tout petit hameau d’une trentaine de bicoques, toutes lamentablement éventrées par l’artillerie.

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