5 et 6 décembre 1914 : « Pour la cuisine, nous employons de l’eau que l’on ne donnerait pas à un cheval »



Le dimanche 6 décembre 1914

La pluie traverse la couverture de notre cabane et la paille sur laquelle nous couchons est toute mouillée. Dans la journée nous faisons des corvées de fil de fer, de cartouches et de vivres. La cuisine se fait par escouades, dans les ustensiles de campement, à 5 ou 600 m de nos tranchées-abris.

 

Le lundi 7 décembre 1914

Les premières lignes étant à environ 1 km en avant d’où nous sommes, nous pouvons dormir toute la nuit, entassés tant bien que mal dans nos abris humides. Je vais l’après-midi chercher des cartouches vers le Rendez-vous de Chasse, je rentre à 18 h par la nuit noire. Il nous faut marcher à travers bois, dans la boue et souvent dans l’eau.

 

Vauquois ( Meuse ) le lundi 7 décembre 1914 – midi

Chère Eugénie,

J’ai reçu hier soir ta lettre datée du 29 novembre. Je te remercie des nombreuses nouvelles que tu m’apprends et qui, toutes, m’intéressent.

Tu es bien aimable de m’offrir un nouveau colis. Pour l’instant, je viens d’en demander un à Aimée et je pense qu’elle me l’enverra. La prochaine fois, je t’en demanderai si j’en ai besoin. Je n’ai pas besoin de chaussettes en ce moment, j’en ai 4 paires de laine et, comme je ne marche presque pas, je peux les porter longtemps sans les salir et sans les user. Il y en a en effet grand besoin par le temps qu’il fait, et encore ça n’empêche pas d’avoir froid aux pieds. Moi, je n’ai pas eu trop à me plaindre jusqu’à présent. On nous distribue aujourd’hui une sorte de graisse qui doit empêcher d’avoir froid aux pieds.

Nous sommes continuellement dans la boue et dans l’eau, c’est dégoûtant. Il pleut tous les jours et l’eau pénètre dans nos tranchées.

Les lettres que je t’envoie doivent vous sembler sales, mais si tu voyais les conditions dans lesquelles elles sont faites. J’écris sur mon genou avec mon livret comme sous-main, et les mains sales et graisseuses. Tout ce que l’on touche nous salit, et il n’est pas facile de se laver. Pour faire la cuisine, nous employons de l’eau que tu ne donnerais pas à ton cheval, il est impossible d’en boire pure, même bouillie ; nous faisons du thé ou du café comme boisson. Enfin, ça n’est pas le rêve.

Bonne santé.

Je termine, je suis pressé. ‑ H. Moisy

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Une réponse à 5 et 6 décembre 1914 : « Pour la cuisine, nous employons de l’eau que l’on ne donnerait pas à un cheval »

  1. Patrice PONSARD dit :

    Bonne description des très pénibles réalités de la vie de tranchées pour le fantassin de base…Comme dit sobrement l’ami Moisy  » Enfin, ce n’est pas le rêve… »
    On le croit aisément, mais malgré ces conditions de vie terribles, nos troupiers tiennent le coup…La soif permanente par manque d’eau potable n’étant pas la moindre des épreuves quotidiennes.
    Il ne semble pas d’autre part que les combattants de ce secteur reçoivent leur réconfortante ration de  » pinard », les intendants le rationneraient-il ?

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