16 octobre 1914. Charmes
Nous embarquons !
Pour quelle destination ?
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C’est la guerre des points d’interrogation. Le colonel, pas plus que le cuisinier de la 4ème escouade, ne sait quelle est notre destinée et encore moins notre destination.
11h- Destination : Commercy.
12h30- En avons-nous mangé de la charcuterie, du chou-fleur, des poires, des gâteaux !… Nous sommes de ces passagers qui voyant leur confortable transatlantique en mal de catastrophe remplissent leurs poches de petits-fours et de sucreries.
Les demoiselles chez qui je loge m’offrent un pot de confitures, et à la poignée de main prolongée que je leur donne leurs yeux s’humectent de larmes.
Le vicaire érudit avec qui je m’entretenais des grandes questions barrésiennes vient me saluer avec un brin d’émotion dans sa voix onctueuse.
Adieu, jolie petite ville bien propre, bien sage, assise au bord de la Moselle où vous mirez votre bonheur… Je vous quitte pour de nouveaux villages où sont passés le feu, la souffrance et la mort.
Adieu, belle campagne lorraine, qui développez sous un ciel très doux les lignes harmonieuses de vos collines… Je vous quitte pour de nouveaux champs où dorment et dormiront tant de fils de la France !
15h30
Voilà le bataillon embarqué. Le train qui porte nos charrettes vosgiennes est bien pittoresque. Certainement les villageois qui viennent bâiller aux petites gares et aux passages à niveau vont nous prendre pour quelque régiment exotique.
Minuit- Nous roulons… Nous roulons… 120 kilomètres en onze heures… Heureusement nous passons le temps gaîment : de compartiment en compartiment, dans le wagon des officiers, nous nous faisons et nous nous rendons des visites : le compartiment le plus visité est celui de la 8ème Cie où l’on offre Bénédictine, cigares et cigarettes.