18 septembre : Henri Moisy au repos dans le Cher



Le vendredi 18 septembre 1914

Repos, lecture, écritures et petite promenade dans les prés. Nous n’avons pas la permission de sortir en ville.

Mehun-sur-Yèvre (Cher) — Vendredi 18 septembre 1914 – 18 heures

 

Mon cher Eugène,

Tu dois avoir appris par les lettres que j’ai envoyées à Aimée, à Papa et à Eugénie, qu’après toutes sortes d’aventures je suis venu échouer à Mehun-sur-Yèvre où je me trouve en ce moment, dans un hôpital organisé en grande partie par les gens du pays.

Je vais te répéter ce que j’ai déjà dit, c’est-à-dire que je suis très bien ici. Seulement je n’y resterai pas longtemps, il est probable que dimanche ou lundi prochain je le quitterai pour aller à Orléans, rejoindre le dépôt de mon régiment, et attendre là les événements. Malgré tout, je pense rester plusieurs jours à Orléans et ensuite,…… sans doute repartir.

Sois tranquille sur mon compte, je ne souffre pas, je n’ai besoin que de repos, et c’est ce que j’ai depuis huit jours. Avec la bonne nourriture que nous avons, je passerais facilement dans ces conditions le reste de la campagne, qui sera peut-être longue et surtout meurtrière. J’en sais quelque chose par ce que j’ai vu de mes yeux.

A Bourgueil tout doit être calme, même plus que calme, et vous devez vous préparer pour bientôt commencer les vendanges. Je pense qu’elles seront bonnes, d’après le temps qu’il a fait depuis que je suis parti. Si je pouvais y assister, comme je mangerais des raisins. Mais vous les ferez sûrement sans moi.

Dans une lettre que je t’ai envoyée de Venise (Meuse) le 12 septembre, je te parlais d’une chose sur laquelle je vais revenir aujourd’hui pour le cas où tu n’aurais pas reçu cette lettre.

Par suite de l’incorporation de la classe 1915, Clément va se trouver appelé cette année sous les armes. Auparavant il aura à se faire inscrire à la mairie, ce qui est peut-être déjà fait. Tâche donc de faire en sorte qu’il soit inscrit « Moisy » avec un « y ». Le jugement de rectification de notre nom a été rendu vers le 25 juillet, j’en ai été prévenu par M° Erlevint à la fin de juillet, et s’il n’y avait pas eu de guerre j’en aurais eu la copie vers le 10 août, ensuite je me serais arrangé avec le secrétaire pour rectifier tous les noms à rectifier, et ce serait chose faite maintenant.

La guerre a tout bouleversé, la copie du jugement doit être restée chez M° Erlevint. Tu pourrais demander à M° Parfait qu’il la fasse venir si c’est possible, il y aurait à payer les frais du jugement qui s’élèvent à environ 70 F. En donnant cette copie à M. Morais, secrétaire de mairie, il ferait le nécessaire, il est d’ailleurs au courant de la chose dont nous avions beaucoup parlé ensemble.

Mais tout cela n’est pas bien grave et il ne faut pas t’en faire pour ça. Si tu ne peux pas y arriver, qu’il soit inscrit d’une façon ou de l’autre, il n’y aura que dans le militaire qu’il en sera ainsi.

Vous pouvez tous vous considérer comme heureux d’habiter une région comme Bourgueil, vous pouvez travailler tranquillement, tandis que dans les régions que j’ai traversées, les gens se sauvaient, emmenant dans une charrette les choses les plus précieuses et les vaches attachées derrière la charrette. Il y en avait comme ça des centaines. Aujourd’hui s’ils reviennent ils trouveront tout brûlé. Heureux Bourgueil.

Je te dis au revoir, bonjour à Mélanie, à tous les enfants et à toute la famille. Inutile de m’écrire avant que je vous donne une nouvelle adresse.

Ton frère qui t’aime. H. MOISY

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