11 septembre 1914. Le diable emporte les alertes de nuit !



11 septembre 1914. Rambervillers

Le diable emporte les alertes de nuit ! Hier soir à 10h je dormais comme un pape, après 36h de veille…Toc, toc, toc ! « Alerte. M’sieur le major ! » Ah ! se chausser, s’habiller, descendre dans la nuit pluvieuse, patauger dans la boue, alors qu’on était dans un bon lit, un lit comme je n’en ai pas eu depuis le commencement de la campagne ! Et puis après une demi-heure d’allées et venues nocturnes et boueuses, s’entendre dire : « Vous pouvez rentrer, votre bataillon ne marchera pas. »

La journée se passe bien ; deux bataillons sont allés au feu ; le nôtre ne marche pas. La compagnie Gresser est aux avant-postes, sur la route de Roville-aux-Chênes, vers l’endroit que j’ai dessiné ci-dessus. Je suis allé la voir. L’odeur horrible ne se fait plus guère sentir, mais le terrain est intact, on ne l’a débarrassé que des chevaux morts qui l’encombraient. Dans un fourré je trouve un cheval gris, squelettique, qui meurt. Près de lui, un cheval mort, sans tête.

On dit que nous progressons : le 1er bataillon serait à Anglemont.

4h –Les canons français tonnent sans arrêt. Ce sont des 155 long.

4h1/2-Allons bon ! Nous quittons Rambervillers à 7h pour St Gorgon. Ici nous étions trop bien. Pouvoir à 500m des obus manger comme nous l’avons fait à midi était trop beau pour que cela durât : radis noir, truites à la meunière, poulet rôti, pommes de terre au lard, miel en gâteau, tarte aux mirabelles, le tout arrosé de vieux bordeaux et servi dans une vaisselle bourgeoise. Nous avons toute cette agréable maison à notre disposition, même la cuisinière revenue hier et qui n’a pas trop peur du canon parce que nous sommes là.

5h25- On ne part pas. Quand je vous le dis : ordre, contrordre, ordre, contrordre… Mouvements de troupe incessants : des chasseurs vont remplacer les fantassins sur la ligne de feu, des hussards s’en vont pousser des reconnaissances, des carrioles hétéroclites ramènent des blessés. Il pleut.

  • Facebook
  • Twitter
  • Delicious
  • LinkedIn
  • StumbleUpon
  • Add to favorites
  • Email
  • RSS
Cette entrée a été publiée dans Un Goncourt dans la Grande Guerre, avec comme mot(s)-clef(s) , , , . Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>