25 août 1914 : A 6h alerte. En quelques minutes les compagnies sont à leur poste de combat.



25 août 1914 Deyvillers (Vosges)

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A 6h alerte. En quelques minutes les compagnies sont à leur poste de combat. Je pars avec mon ambulance, mes infirmiers et mes brancardiers installer mon poste de secours auprès de Malgré-Moi. Une canonnade formidable gronde vers Baccarat – entre Baccarat et Rambervillers.- Du fort des Adelphes on voit à l’œil nu les gros obus allemands éclater dans l’air : petits flocons de fumée vite éteints… Cela dure depuis deux heures du matin. Vers 10h la canonnade ralentit et s’éloigne. On ne voit plus de petits flocons. A 11h on nous donne l’ordre de regagner nos cantonnements. Le bruit court que notre offensive en tenaille aurait réussi et que deux corps d’armée ennemis seraient coupés dans leur retraite.

Tout l’après-midi des bandes d’émigrés traversent Deyvillers. Ils arrivent de Baccarat et des environs. Ils fuient les atrocités, l’incendie, le viol, la fusillade. Ce sont des théories de femmes et d’enfants. Que d’enfants ! Ils sont deux, trois par petite voiture. Sur la capote on a placé le ballot de linge. Les femmes ont mis sur elles ce qu’elles ont de plus beau, et le spectacle est saisissant de ces filles et de ces vieilles femmes trainant dans la poussière des routes leurs robes de soie et leurs souliers vernis.* Tout ce monde-là est haletant de terreur. J’ai vu des physionomies analogues sur les dessins de Georges Scott rapportés des Balkans. Beaucoup arrivent de Blâmont et de Cirey. Ces noms en disent long maintenant. C’est à Blâmont, je crois, que nos troupes ont trouvé cet ordre de réquisition d’un officier allemand invitant les jeunes filles du pays à se rendre immédiatement à tel endroit, elles s’y rendirent et furent méthodiquement violées.

Les récits que nous firent ces quatre officiers du 13ème corps, tombés épuisés, ce soir, dans notre salle à manger, il faudrait la plume d’un Mirbeau1 pour les reproduire. Ils reviennent de Sarrebourg. Ils ont vu ce qui s’était passé pendant la 1ère retraite des Allemands sur cette ville : villages incendiés, maison par maison, femmes entassées avec leurs enfants dans une église puis brûlées vives, les hommes fusillés en masse à l’entrée du village, en sorte que nos troupes victorieuses eussent à enjamber cette barrière pantelante. Ces quatre rescapés aux yeux creux, aux joues hâves, aux dents sèches insistent surtout sur les terribles effets de l’artillerie lourde allemande. La précision de son tir est inflexible, renseignée comme elle l’est par les aviateurs. Ceux-ci font tomber de leur appareil un petit explosif qui indique par une légère colonne de fumée la position exacte de l’objectif. Entre autres détails : chaque soldat ennemi possède un fusil, un revolver et un couteau-poignard. Chaque bataillon possède une section d’incendiaires, porteurs d’essence de pétrole. Que les Allemands achèvent les blessés, massacrent les prisonniers, assassinent pendant la nuit les officiers logés chez l’espion-habitant, tout cela est maintenant archi-connu. Les blessés sont unanimes à affirmer l’emploi des balles dum-dum2.

De temps à autre, isolés deux par deux passent des blessés. Ils sont tous dans un état de maigreur épouvantable. Ce sont pour la plupart des hommes qui combattent depuis trois semaines et chaque jour.

1 Octave Mirbeau (1848-1917), romancier réaliste, auteur du Journal d’une femme de chambre

 

2 Balle de fusil dont l’ogive ciselée en croix produit des blessures dangereuses. (Emploi interdit à la convention de la Haye en 1899).

 

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Une réponse à 25 août 1914 : A 6h alerte. En quelques minutes les compagnies sont à leur poste de combat.

  1. Guyonneau dit :

    Belle page de propagande ! en 1914 les troupes Victorieuse s ont plié devant les allemands alors « victorieuses est très relatif ! Quand aux crimes je retrouve la les excès de la propagande de l’époque ! Des crimes il y en a eu mais bien moins que ce qu’on veut nous faire croire … Au moins on ne pense pas a ceux qui portent sur leurs epaules la responsabilité de cette boucherie : Georges 5 , Guillaume 2 ,Nicolas 2 Parents de Victoria et donc cousins !

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