6 novembre 1914. Notre régiment, dispersé dans trois villages, est ici en réserve générale d’armée.



6 novembre 1914. Courmelles (Aisne)

Notre régiment, dispersé dans trois villages, est ici en réserve générale d’armée. Avec nous se trouvent deux groupes d’artillerie de 75. Le tout sous le commandement de notre colonel Pichoud.

L’ennemi occupe la rive droite de l’Aisne, où il est solidement retranché dans des carrières. Ces carrières donnent du fil à retordre à nos artilleurs. Et puis… voilà tout ce que je sais.

En vain, du haut du clocher où je me suis hissé en compagnie de Plaisant, cherchons-nous à percer le brouillard qui voile l’horizon. L’ennemi est là, tout près, derrière ce léger rideau de brume.

Son bon plaisir, heureusement, n’est pas de nous canonner aujourd’hui. D’ailleurs, jusqu’à présent, Courmelles ne l’a guère intéressé. Un obus a démoli le toit du presbytère et décapité un beau chapiteau roman de l’église. Le curé a été emmené comme otage. Le calice et le ciboire ont été volés : ils étaient modernes… mais ils brillaient. Tandis que le petit Saint-Georges naïvement sculpté, que l’on porte dans les processions, ne brille pas, lui, et en dépit de sa valeur, ils l’ont laissé.

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6 novembre. Henri Moisy et les deux canons de 155 mis en batterie



Le vendredi 6 novembre 1914

Je reviens au ravin à 5 h. Il arrive deux canons de 155 qui sont mis en batterie à 50 m à droite de la Pierre-Croisée. Le soir, la compagnie retourne aux tranchées de la cote 263 que nous avions quittées il y a deux jours. L’adjudant Lanzie, que j’avais connu comme sergent au mois d’août à la 20ème compagnie du 331ème, arrive à la 5ème compagnie du 131ème en renfort.

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5 novembre. Henri Moisy : « Depuis 31 jours, je n’ai vu ni une femme, ni une maison »



Le jeudi 5 novembre 1914

A 5 h je redescends dans le ravin et je continue à creuser. Je vais à la grande source des Courtes-Chausses faire ma toilette et chercher de l’eau. Je retourne passer la nuit à la cote 285.

 

X……., le jeudi 5 novembre 1914 – 13 heures.

Ma chère Eugénie,

En même temps qu’à toi, j’écris à Papa, de cette façon, si une lettre n’arrive pas, l’autre arrivera peut-être.

Je viens de voir à l’instant Georges Tiran qui est à la troisième Compagnie. J’ai causé longuement avec lui, il se porte bien.

Pour te donner une idée de notre isolement, je te dirai qu’il y a aujourd’hui un mois, exactement 31 jours, que je n’ai vu une femme, ni une maison. Nous ne vivons absolument que dans les bois. Quel soulagement quand nous reverrons un village ou une ville.

Malgré cette vie extraordinaire, je me porte très bien, mieux que jamais.

Je n’ai pas encore reçu de tes nouvelles depuis mon départ d’Orléans. Ce n’est pas un reproche que je te fais, mais c’est pour te renseigner si tu m’as écrit.

Je me suis débarbouillé hier et avant hier, je n’y étais plus habitué.

Quand nous changeons de linge, nous sommes obligés de jeter celui qui n’a servi qu’une fois, impossible de le laver. Heureusement, nous en touchons en quantité suffisante pour changer.

Si je peux revenir à Bourgueil, je me souviendrai toujours des jours que je vis en ce moment.

Bonjour à Georges et à P’tit Georges

A toi mon meilleur souvenir

Ton frère, H. Moisy

Caporal au 131ème de Ligne

5ème Compagnie

Orléans ‑ Loiret ‑ En campagne

 

X….. le jeudi 5 novembre 1914 – 13 heures

Mon cher père,

Je pense que vous avez à présent terminé vos gros travaux. Le graines, les pois sont ramassés, les vendanges sont terminées, le vin est tiré depuis quelques jours sans doute. Vous allez donc pouvoir vous reposer ou du moins travailler moins fort.

Nous voici arrivés dans les mois d’hiver mais ici on ne s’en aperçoit guère. Le temps est toujours doux et sec et nous n’avons pas à souffrir de ce côté là. Je vais vous répéter ce que je dis dans toutes mes lettres, que je suis bien portant. Je suis tel que vous m’avez vu à Orléans le mardi 29 septembre, ni mieux ni plus mal. Comme la fatigue n’est pas grande, je supporte facilement la campagne. La nourriture est toujours bonne.

J’ai reçu régulièrement toutes les lettres qu’Aimée m’a envoyées, elle a dû vous le dire et vous faire voir les lettres que je lui envoyais. J’ai aussi reçu le colis de chocolat.

Je vous écris cette lettre en plein air, assis sur mon sac, dans la forêt, par un beau soleil, en gilet de laine et à l’abri des projectiles. Quand on est comme cela bien tranquille, par un beau temps, on pense à toute autre chose qu’à la guerre. Mais, de temps à autre, un coup de canon tiré à 2 km de nous nous ramène à la triste réalité.

Je pense à vous dans mes prières comme je sais que vous pensez à moi dans les vôtres.

Votre fils qui vous aime. H. Moisy

Caporal au 131ème de ligne

5ème Cie ‑ Orléans ‑ Loiret

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