8 janvier 1915. Les troupiers du 4ème bataillon vivent, mangent, dorment dans la boue même.



8 janvier 1915. Berry

J’insiste sur la boue des tranchées parce qu’elle prend de telles proportions qu’elle joue son rôle dans les opérations. Les troupiers du 4ème bataillon vivent, mangent, dorment dans la boue même. Et quelle boue ! Jaune, grasse, collante. Aucun des abris taillés dans la marne de ce pays-ci ne résiste à l’action de la pluie et la pluie de la nuit dernière a désagrégé tranchées et abris. Les officiers, comme les hommes, couchent dans une bouillie faite de paille et de boue, au-dessous de toute imagination. Je n’ai jamais vu d’étables comparables aux abris du 4ème bataillon. Les fermiers tiennent trop à la santé de leurs bêtes.

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Donc je suis allé déjeuner avec Voilqué, nouvellement promu capitaine, dans la tranchée de ce 4ème bataillon. J’ai parcouru 500m de boyau avec de l’eau jusqu’au dessus des chevilles.

Le gourbi où nous mangeons, à la lueur d’une mauvaise lampe à acétylène, est voisin d’une meurtrière de mitrailleuse qui exaspère les batteries allemandes de 77 et de 105. Si bien que pendant notre repas tout ce qui nous entoure est abondamment arrosé. Les pièces qui tirent sont si proches que le coup de départ se confond avec l’éclatement et qu’on n’entend point de sifflement.

Pendant que nous prenons le café, un 105 vient s’abattre sur l’angle de notre gourbi.* Bruit effroyable. Pluie de terre qui couvre notre table. La lampe à acétylène qui s’est renversée est éteinte. Une fumée horrible nous prend à la gorge. Le déplacement d’air nous a rendus complètement sourds. Mais nous nous attendions tellement à recevoir cet indésirable invité que nous n’en sommes point étonnés. J’entends seulement l’ordonnance de Voilqué qui grogne dans l’obscurité : « Sont-ils embêtants !… La pluie va encore tomber sur le nez du capitaine. » En effet, l’abri est tout disloqué du côté de la couche de paille de Voilqué. Nous allumons la lampe et nous déplorons surtout que toutes les petites casseroles suspendues au plafond, et qui récoltent l’eau qui traverse le toit, se soient renversées et aient inondé le sol déjà si boueux.

Et ce n’est que ça une marmite sur un abri !…

Plusieurs autres obus tombent aux environs immédiats du gourbi. Ils démolissent les couloirs, dont les parois s’effondrent lourdement en larges plaques. Il en tombe comme cela de midi jusqu’à 4h. Il y a beau temps que la mitrailleuse a été mise à l’abri !…

Je rentre à la nuit tombante par la tranchée du 2ème bataillon dans l’espoir d’échapper à la boue. Mais, bast !… Le boyau, taillé dans le calcaire blanc, est changé en un ruisseau d’une crème blanche dans laquelle on patauge jusqu’à mi-jambe. J’y rencontre les corvées de soupe. Ah ! les malheureux !… Quelle épouvantable corvée !…

Certains préfèrent courir en dehors du boyau, sous les balles. Je les comprends. J’en fais bientôt autant.

Aujourd’hui pas un seul blessé dans mon secteur. C’est la première fois qu’une journée s’écoule sans tué ni blessé. Et pourtant que d’obus ! que de balles !… Pas un des 2.000 hommes du secteur n’a été touché !

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8 janvier 1915 : nous nous éclairons avec de la graisse donnée par les cuisiniers



Le vendredi 8 janvier 1915
Nous pouvons dormir toutes les nuits, couchés sur des claies pour éviter l’humidité, nous entretenons le feu toute la nuit. Nous nous éclairons avec de la graisse que nous donnent les cuisiniers. Il pleut tous les jours.

Le vendredi 8 janvier 1915 – 10 heures
Mon cher père,
Après avoir été 12 jours au repos comme je l’ai écrit à Aimée, je suis revenu dans les tranchées depuis avant-hier mercredi. Nous avons marché toute la nuit et en arrivant nous nous sommes logés dans une tranchée couverte et dans laquelle nous pouvons faire du feu.

Il pleut jour et nuit et tous les jours, c’est désolant de voir un temps pareil.

Je me porte toujours bien et souhaite le bonjour à tout le monde.

Je m’arrête car je suis pressé. Votre fils qui vous aime ‑ H. Moisy

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6 et 7 janvier 1915 : retour dans les tranchées pour Henri Moisy



Le mercredi 6 janvier 1915
Nous passons à Auzéville, Clermont-en-Argonne, Aubréville, nous arrivons aux tranchées de réserve devant Vauquois à 5 h. Les chemins et sentiers sont défoncés et nous pataugeons dans la boue. Je suis avec mon escouade dans une sorte de tranchée couverte où nous pouvons faire du feu toute la nuit. Je vais à la corvée de ravitaillement l’après-midi à travers bois. Il pleut jour et nuit. Canonnade française.

Le jeudi 7 janvier 1915

Nous nettoyons la tranchée et nous coupons du bois pour faire du feu la nuit.

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5 janvier 1915 : Henri Moisy retrouve ses copains Travaillé et Morisseau



Le mardi 5 janvier 1915
Il arrive un autre renfort au régiment, venant d’Orléans. il y a Morisseau, de B[ourgueil] et Auguste Travaillé, de Montreuil[-Bellay], que je fais affecter à mon escouade, la 5ème. Nous devons retourner en ligne cette nuit et nous quittons la ferme de la Grange-le-Comte à 22 h, après 12 jours de repos.

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