20 septembre 1917. Soissons
Sur l’Aisne, rivière molle, glissent des canonnières ornées de canons au museau allongé. Parmi les roseaux, sous les peupliers et les saules, elles s’arrêtent, silencieuses. Et leur silence en dit long. Elles sont « camouflées », autrement dit leur revêtement extérieur imite, à ne pas s’y méprendre, la verdoyance des rives du fleuve.
Les canons aussi sont camouflés ; aussi les camions sur les routes, les chars d’assaut, les fourgons du train, les locomotives, les wagons, les baraques, les ponts, les autos sanitaires etc. etc. Si bien que l’armée, vue de haut, doit donner l’impression d’un paysage mouvant.
Des troupes braillardes et débraillées traversent la ville dans une poussière de crottin sec. Les hommes plient sous le poids de la chaleur et du sac. Leurs lèvres crachent le sarcasme. L’œil est mauvais. Les officiers, bergers de ce troupeau, sont mornes.
Après cette pénible infanterie vient une belle artillerie de campagne. Les canonniers ont le regard clair, la tête droite, un joli air martial. Leurs chevaux, gris de poussière, sont vifs et bien nourris. On sent les officiers heureux de chevaucher devant cette force élégante et sûre d’elle-même. Dans ce beau régiment, le 211ème, je retrouve mon ami le capitaine de Savignac.