21 décembre 1918.
Et toujours ce flot lent d’hommes bleus qui vont vers le Rhin. Fatigués, boueux et grognards, ils pataugent, traînent sur les routes du Palatinat leurs souliers éculés, vont à la débandade et demandent : « C’est-y bientôt le cantonnement ? » Et quand ils s’arrêtent à Saint-Avold, on les entasse dans les casernes allemandes : appel le matin, appel le soir à 8h30, interdiction de sortir, interdiction de boire, interdiction… Regretteraient-ils la tranchée ? Ordre, contre-ordre, désordre. C’est comme au temps de la Grande Retraite. Une troupe à peine installée à Forbach s’en voit chassée par un ordre de se rendre à Metz. Le général commandant la 52ème division téléphone : « Je suis à Morhange. Je n’irai pas plus loin. Mes hommes n’ont plus de souliers. Mes autos n’ont plus de pneus. Mes chevaux n’ont plus de fers. Mes médecins n’ont plus d’infirmiers. Envoyez-moi du moins de la paille fraîche pour y coucher mes hommes, des pansements pour panser leurs pieds et du pain qui ne date pas de 20 jours pour leur donner du cœur au ventre. » Le général téléphone ça à 8h. Et j’apprends à 15h que sa division revient sur ses pas à 25km en arrière ! Le 3ème Bureau fait du Kriegsspiel.
Et il pleut sur le bassin de la Sarre, oh ! tellement bassin…