29 juin – 1er juillet : de retour en forêt d’Argonne

Le samedi 29 juin 1918
Deux gradés par section s’en vont reconnaître des emplacements dans les bois des Hauts-Bâtis, à la Croix-Gentin, près de Florent[-en-Argonne] Tous les sacs sont emmenés par camions automobiles à 8 h. Il y a huit camions pour le bataillon. Le bataillon quitte Auzéville à pied à 21h. Il fait toujours très chaud. Notre séjour dans ce village a été bon et nous pouvions nous ravitailler soit chez les épiciers civils, soit à la Coopérative militaire.

Samedi 29 juin 1918

Mon cher père,

Après avoir passé cinq jours dans un village habité, [Rarécourt, Meuse – Note ultérieure] nous partons ce soir pour la forêt de l’A[rgonne]. Je vais revoir les endroits où j’ai passé toute l’année 1915 et je pense que je m’y reconnaîtrai. Nous allons marcher toute la nuit et nous allons traverser plusieurs pays que je connais par cœur. Nous monterons en première ligne demain soir.

Mon repos n’a pas été long et encore nous avons été alertés toute une nuit pendant laquelle nous avons fait 16 [km] sac au dos. Cette nuit nous marchons sans sac, ils ont été emmenés ce matin par un camion.

J’ai reçu votre lettre du 23 juin et je suis heureux de savoir que vous êtes en bonne santé.

Il fait très chaud par ici depuis quelques jours, heureusement que nous pouvons rester à l’ombre le tantôt.

Je suis en bonne santé mais je fatigue par ces grandes chaleurs quand il nous faut marcher quand même.

Je vous adresse mes salutations affectueuses.

Votre fils ‑ H. Moisy
Le dimanche 30 juin 1918
Nous passons par Clermont-en-Argonne, Les Islettes, Le Neufour, Le Claon, Florent. Nous arrivons à la Croix-Gentin à 3 h. Nous avons fait 18 km. Ma compagnie est logée tout entière dans une baraque Adrian. Je vais à la messe à 11 h 30 dans un baraquement du camp. J’étais venu bivouaquer dans ce même bois des Hauts-Bâtis en septembre 1915. Nous sommes passés, entre Le Claon et Florent, du département de la Meuse dans celui de la Marne. Dans la journée, un sergent par section s’en va reconnaître des emplacements que nous devons aller occuper cette nuit au Four-de-Paris. Le sergent Delidais part en permission exceptionnelle pour la mort de son père. Je deviens chef de la 4ème section. Le lieutenant Tuffreau, commandant de compagnie, qui est souffrant, reste à Florent. Le sous-lieutenant Marouteau commande la compagnie. Nous souffrons beaucoup de la chaleur. Nous quittons à 22 h les baraquements de la Croix-Gentin et nous allons à la Harazée. Nous emportons nos sacs, ce qui ne nous était pas arrivé depuis longtemps. La 21ème compagnie est en 1ère ligne, la mienne est en réserve et la 23ème est plus en arrière, à la Fontaine-Ferdinand. Ma section est à environ 600 m à l’ouest du Four-de-Paris, sur la rive gauche et à environ 50 m de la rivière la Bienne, non loin de la grande route du Four-de-Paris à Vienne-le-Château. Nous avons remplacé le 43ème colonial.
Le lundi 1er juillet 1918
Ma section [la 4ème] est installée dans une tranchée se trouvant à la lisière des bois et des prés qui bordent la [rive sud de la] Biesme .Nous sommes au pied d’une côte à pic et trois boyaux creusés dans cette côte nous font communiquer avec une autre tranchée qui se trouve au sommet. Les tranchées allemandes sont à environ 1 km et la 21ème compagnie occupe les premières lignes. Il y a une coopérative dans les abris qui bordent la route de Vienne-le-Château au Four-de-Paris. Les cuisines de la 21ème y sont aussi installées. Les 1ère et 3ème sections sont à ma droite, la 2ème en arrière. Il y a à notre gauche la 17ème compagnie. Nous travaillons de 15 à 17 heures dans le boyau de Verdun. Entretien de la tranchée et des boyaux du secteur. Il y a beaucoup d’abris et nous sommes groupés par escouades à plus de 100 m les unes des autres. Nous pouvons travailler de jour, étant sous bois, et, de plus, les côtes nord de la Biesme nous cachent des premières lignes [allemandes]. Le secteur est calme.