5-8 juin 1918 : la grippe s’abat sur le bataillon



Le mercredi 5 juin 1918
Repos toute la journée. J’ai la fièvre et je ne mange pas. Ma section va travailler de 21 h à 24 h dans le boyau Bièche, entre le P[oste de] C[ommandement] Dieppe et la tranchée Hambourg. Le temps est clair et très chaud.


Le jeudi 6 juin 1918
Je suis toujours indisposé. C’est la grippe qui va me prendre à mon tour, comme elle a pris tous les autres sergents à la période de repos. Je vais à la visite au Poste de Secours Central et le Médecin-chef du régiment m’évacue à l’infirmerie régimentaire à Sivry-la-Perche. J’ai 38° de fièvre. Je retourne à mon abri chercher mes effets et mes armes et je m’en vais à pied à la cote 232. Nous sommes beaucoup de malades et nous montons dans un wagon du ravitaillement qui nous emmène jusqu’au sud du bois de Béthelainville. Nous arrêtons au G. B. D. [ ? ] qui nous dirige sur Sivry-la-Perche par auto-ambulances américaines. Nous passons par Dombasle-en-Argonne et nous arrivons à Sivry-la-Perche à 1 h du matin.
Le vendredi 7 juin 1918
Je passe la visite à 9 h 30. C’est le troisième jour que je ne mange pas. Je vois plusieurs camarades du 5ème bataillon qui est au repos ici : Picard, de Camaret, Robin, Béthouard, Dardelle, Guidet, Lachal. Le 6ème bataillon quitte le Mort-Homme et appuie plus à l’ouest vers la cote 304 et Esnes. Il fait toujours une grande chaleur. L’infirmerie régimentaire est pleine de malades, il en arrive tous les jours, mais c’est une maladie qui ne dure que quelques jours et il en repart aussi tous les jours.
Le samedi 8 juin 1918
Je vais mieux et je commence à manger. Je vais me promener sur la grande crête qui se trouve au nord du village de Sivry-la-Perche et d’où l’on aperçoit tous les villages environnants, plus la cote 304, le Mort-Homme, Montfaucon, le Bois de Forges, le Bois des Corbeaux, au loin la vallée de la Meuse et les grandes côtes de la rive droite (Froideterre, 344, 342, du Poivre). On voit aussi les casernes de Verdun. Cette côte de Sivry est toute creusée de galeries, d’abris et d’ouvrages fortifiés, et d’emplacements de canons. C’est une vraie fourmilière. Grande chaleur.
Samedi 8 juin 1918

Mon cher père,

L’épidémie de grippe a eu prise sur moi et, comme tous les camarades, j’ai dû faire la pose pendant quelques jours.

J’avais passé mes huit jours de repos en bonne santé et nous étions retournés aux tranchées mardi soir, quand mercredi matin j’ai ressenti des malaises et de la fièvre. J’ai été obligé de rester couché et le mercredi soir je n’ai pas seulement eu la force d’aller voir le médecin qui se trouvait à 800 m environ. Je suis allé à la visite seulement jeudi soir et comme j’avais de la fièvre, le médecin-chef m’a évacué à l’Infirmerie Régimentaire où je me trouve en ce moment, et qui se trouve dans le village où j’étais au repos dernièrement. Je suis resté trois jours sans manger, je me suis purgé et aujourd’hui j’ai recommencé à manger. Je ne souffre plus et j’espère bien que dans trois ou quatre jours je serai complètement remis et que je pourrai rejoindre ma Compagnie.

Vous voyez donc que ma maladie n’a rien de grave, c’est une petite indisposition à laquelle bien peu vont échapper parmi ceux qui sont au régiment.

Le temps est toujours sec et très chaud depuis près de trois semaines. Je ne sais si il y aura une bonne récolte de vin cette année, mais nous en buvons ici à bon marché. Nous le payons toujours 0.75 F le litre aux coopératives des premières lignes et 1 F le litre aux coopératives des villages où nous allons au repos. C’est le même vin des deux côtés, mais il est vendu à perte aux troupes de 1ère ligne et cette perte se rattrape à l’arrière.

Rien autre chose de particulier. Agréez mes sentiments affectueux.

Votre fils ‑ H. Moisy

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