3 – 5 avril 1918 : le nettoyage des boyaux et rien d’autre



Le mercredi 3 avril 1918
Nous nettoyons le boyau de la Hayette de 4 à 6 h. Nous ne pouvons rien faire pendant le jour, il y a dix ballons observateurs allemands dans leur secteur en face de nous et toute circulation de jour est absolument interdite. Nous ne voyons pas d’aéroplanes depuis huit jours. On voit très bien d’ici les restes de l’église de Montfaucon. Je fais une patrouille de 20 h à 22 h en avant du front de la compagnie, en face de Béthincourt, avec le caporal Brault.
Le jeudi 4 avril 1918
Nettoyage des boyaux de 2 à 5 h. Bombardement allemand sur nos abris, l’abri des brancardiers est démoli et un brancardier, Dupuy, est gravement blessé, l’abri s’est écroulé et lui a cassé une jambe. Il y a beaucoup d’obus à gaz et nous mettons nos masques. Les Allemands nous bombardent de Montfaucon. Il y a deux patrouilles cette nuit, faites par le caporal Brault et le sergent Delidais.
Le 4 avril 1918

Mon cher père,

Je vous adresse dans cette lettre un mandat-poste de 170 F ; vous voudrez bien m’en accuser réception quand il vous sera parvenu. Vous le toucherez et vous conserverez l’argent jusqu’à nouvel ordre. L’officier payeur est venu nous solder ici et comme en tranchées je ne veux pas garder sur moi une telle somme, j’ai fait prendre ce mandat . Il est possible que je n’en conserve pas assez pour aller jusqu’à la fin d’avril, mais j’aime mieux vous en redemander si j’en ai besoin. Je pense d’ailleurs en toucher d’autres prochainement, ne recevant rien de la sous-préfecture, j’ai écrit à la préfecture en demandant à nouveau un certificat. Quand je le recevrai je pourrai toucher le rappel dont je vous avais parlé.

Il pleut depuis trois jours et nous sommes dans de tristes états. Si vous voyiez ma belle capote, jusqu’à hauteur de ceinture on ne voit plus guère de bleu, nous pataugeons dans la boue. Et il y a huit jours il y avait de la poussière. Le ravitaillement ne peut se faire que la nuit et nous mangeons froid assez souvent. Malgré cela je n’ai besoin de rien, la coopérative est à côté des cuisines et est ouverte toute la nuit, les hommes de soupe nous achètent le nécessaire.

J’ai écrit à Aimée au sujet de la clef perdue, peut-être l’avez-vous retrouvée aujourd’hui. – Ma santé est très bonne jusqu’à ce jour. Hier nous avons reçu des gaz qui nous ont fait éternuer, mais ça n’a pas été grand-chose.

Croyez à mes bons sentiments. Votre fils H. Moisy

Sgt au 344ème — 22ème Cie — Secteur 136
Le vendredi 5 avril 1918
Le boyau de la Hayette ayant été endommagé par le bombardement d’hier, nous travaillons de 2 à 4 h à réparer les dégâts. Nous confectionnons des fuseaux de fil de fer de 4 à 6 h, toujours dans la tranchée. Nous ne faisons rien toute la journée, nous en profitons pour dormir. Notre abri est très humide et obscur. Nous touchons du pétrole pour nous éclairer et nous faisons des lampes avec des petites bouteilles ou des grenades O. F. [offensives]. Les corvées de soupe se font la nuit à 21 h et à 3 h. Il y a quatre hommes par section qui sont exempts de tout autre service. A ma section, il y a Durand, Hureault, Legros et Fauroux. Pour manger dans le jour nous faisons chauffer notre cuisine avec de l’alcool solidifié que l’on nous distribue tous les jours. La cuisine de ma compagnie est bonne et bien préparée. Nous pouvons acheter tous les jours à la Coopérative qui est installée dans un abri blindé à 1500 m des 1ères lignes du vin rouge à 0.75 F le litre, les hommes de soupe nous l’apportent. Nous avons ¾ de litre de vin fourni gratuitement. Il y a des rats dans nos abris et il nous faut suspendre notre pain avec du fil de fer pour qu’il ne soit pas mangé. Les entrées de tous les abris sont munies de deux rideaux à rabattre immédiatement en cas de bombardement à gaz pour éviter que les gaz descendent dans les abris. De plus, pendant le jour, quand tout le monde dort, il y a un homme de garde par abri pour prévenir quand c’est un bombardement avec gaz, afin de faire prendre les masques. La nuit, comme nous sommes tous dehors à travailler, faire des corvées ou des patrouilles, nous pouvons tous nous en rendre compte et nous avons toujours un masque en bandoulière. Nous voyons dans le jour des aéros et des « saucisses » ou ballons observateurs. Bombardement sur nos tranchées et boyaux. Nous faisons des corvées toute la nuit pour porter du matériel en première ligne (rouleaux de fil de fer, fuseaux, piquets de fer, Ribards, caillebotis, fusées, grenades, etc…). Violente canonnade vers l’Argonne à 1 h.

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