17 décembre 1915. Ma cabane tremble sous le canon.

17 décembre 1915.

Ma cabane tremble sous le canon. Les mitrailleuses ploploplotent d’une façon gênante. Allons voir ce qui se passe.

Tout ce bruit vient de Metzéral. L’ennemi bombarde sérieusement la tranchée « en feuille de vigne » de l’Ilienkopf, en insistant sur un saillant où je devine une mitrailleuse rageuse et obstinée. Les 220 de Mittlach et les 75 répondent. Leur plainte, aujourd’hui, s’étend lugubre sur toute la vallée de la Fecht. Là, autour de Metzeral, la neige a fondu, le sol est sale et boueux, sous un ciel lourd de neige prochaine. Pas gaie, aujourd’hui, la « tranchée en feuille de vigne ». Mais est-elle jamais bien gaie cette pauvre tranchée qui s’est hissée péniblement de Metzeral, intenable, vers le Bois-en-Botte de l’Ilienkopf ? Accrochée au flanc d’une prairie abrupte elle reçoit sans se lasser les grenades d’un adversaire qui la domine de vingt-cinq mètre de haut, qui plonge dans ses boyaux l’œil fureteur de ses créneaux. Elle courbe le dos. Elle encaisse. Mais elle ne bronche pas. Brave tranchée française agrippée au sol alsacien, et qui ne veut pas lâcher sa chère proie.

… Et, ce soir, tout à coup, le calme est revenu. Dans la nuit lunaire on n’entend plus que le chant des torrents, assourdi par la neige. Un canonnier, dans son abri, joue de la vielle. Il fait doux ; à peine gèle-t-il. De temps en temps un coup de feu perce le silence du champ de bataille. C’est l’heure où les mulets, lourds des fardeaux les plus divers, s’acheminent qui vers Gaschney, qui vers Metzeral. Et les braves bêtes vont silencieusement, sous les projecteurs de l’ennemi, à pas prudents, en sabots de velours.