21 novembre 1915. Soudain le soleil, le ski, la luge, la canonnade, les avions, la vie, la mort.



21 novembre 1915.

Soudain le soleil, le ski, la luge, la canonnade, les avions, la vie, la mort.

J’étais fort occupé à luger sur les pentes du Hohneck quand je vis venir à moi le général de Pouydraguin (notre divisionnaire) accompagné de deux civils et d’un nombreux cortège militaire. Les deux civils à n’en point douter sont des députés : ils portent des binocles, une barbe sale, des peaux de biques, des chaussures à boutons et une canne à crosse de simili. Ils portent aussi une serviette sous le bras. Ah ! comme ils ont l’air embarrassé de leurs binocles, de leurs souliers ridicules et de leur serviette – qui n’est pas un portefeuille !- Leurs yeux mornes devant les spectacles obscurs de l’artillerie prennent une soudaine vivacité à la vue de ma luge. Et durant qu’un gros capitaine leur explique le tir de notre batterie, ils se dirigent vers moi et me demandent comment on se sert de « ce petit instrument. » L’un d’eux me dit : « C’est la Légion d’Honneur que vous portez ? – Oui, c’est la Légion d’honneur. – Ah !… » Et il se tourne vers son copain : « C’est tout de même chic, la Croix à cet âge-là… » Je n’en entends pas davantage. Déjà je me suis étendu sur ma luge et le nez en avant, les pieds en l’air, dans un large salut militaire à ces civils crasseux je démarre et je file à toute allure vers le Bas-Chitelet.

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