11 novembre 1915. Nous sommes les prisonniers de la bourrasque.

11 novembre 1915.  Schmargult

Nous sommes les prisonniers de la bourrasque. La neige poussée par le vent a bloqué les portes de la baraque, montant sous ma fenêtre jusqu’à 1m50. Les routes sont coupées, les lignes téléphoniques brisées. En tentant d’aller voir un malade à Breitsouzen j’ai été renversé par le vent, roulé sur la pente, aveuglé par la neige au point de rester plus d’une minute sans aucune orientation. Les réseaux de fil de fer complètement recouverts sont invisibles, les tranchées sont comblées, le décor de la guerre n’a pas résisté une nuit au choc de l’hiver. Les canons de la batterie sont inutilisables. Il faudra les dégager à la pioche et à la pelle. Le vent souffle à une vitesse fantastique soulevant partout la neige et la rabattant en nuages de farine. Vers 3h un traîneau tiré par huit chevaux en flèche nous apporte des vivres depuis Not-Dessus. Les chevaux roulent, se relèvent, retombent sous des tourbillons de poussière blanche, le traîneau culbute de trous en bosses. Nous aurons de la viande pour ce soir.