28 octobre 1915. Un grand spectacle nous a été donné.

28 octobre 1915.  Schmargult

Un grand spectacle nous a été donné. Réunis sur la chaume de Schmargult, à la tombée d’un jour de fin d’automne, un millier de jeunes soldats ont honoré de leurs baïonnettes et de leur alignement la remise de Croix de guerre à Cauvin et à Demangeon. La nuit commençait de nous envelopper sur cette haute chaume quand le général de Berckheim fit son apparition, monté sur un très beau cheval noir. Il mit pied à terre, sortit son épée, commanda des mouvements d’armes qui se firent avec un automatisme parfait et pria Cauvin de s’avancer vers lui. Après avoir lancé vers le ciel rose et gris les belles phrases de la citation il épingla la Croix dans le cœur de Cauvin, qui sauta sous la douleur. Les canons de Metzeral répondirent aux paroles de gloire. Après Cauvin, ce fut Demangeon, et les canons continuèrent de tonner. Et ce fut sur leur accompagnement que de Berckheim –décidément très beau- s’écria, comme inspiré : « Jeunes soldats, vous êtes l’espoir de la France, l’espoir de vos aînés et notre espoir. C’est à vos jeunes visages que sourira la Victoire, maussade à nos cheveux blancs ! Jeunes soldats ! Nous vous avons montré comment un Français sait se battre, verser son sang, mourir… A vous de cueillir les lauriers… Vive la France ! » Les baïonnettes eurent un frémissement… Des obus tombaient dans le ravin de la Wurmsa, sous nos pieds. Ils seraient tombés parmi nos rangs serrés, nul n’aurait bougé.