22 mars 1915. Paradoxe du soleil et des cadavres, du printemps et de la mort.



22 mars 1915. Wargemoulin

Paradoxe du soleil et des cadavres, du printemps et de la mort.

Pas d’attaque, bombardement. Il fait un temps radieux, mais sur quel paysage ! Voilà combien de jours que je n’ai vu un brin d’herbe ? Le pays est si ravagé, qu’à perte de vue c’est de la boue, de la boue avec quelques boqueteaux de pins malades ou blessés. Au-dessus des batteries des avions tournent comme des oiseaux de proie. Ils se soucient de nos shrapnells comme des vautours du petit plomb.

Des blessés quand même, par le bombardement des boyaux. Il semble que leurs blessures soient dues à des obus d’un nouveau genre : ils semblent comme criblés par un très grand nombre de petits éclats. Ravages graves au visage. Yeux perdus.

Toute la nuit, chute de marmites sur la route devant le poste de secours. Une seule cause des dégâts : elle tue d’un coup quatre sapeurs du génie. Tuer, c’est peu dire : elle les anéantit, les débitant en petits morceaux d’os et de chair éparpillés. Les obus de Wargemoulin sont d’excellente qualité. Qu’on n’aille pas me conter que les obus allemands n’éclatent pas : ceux-là percutent au moindre obstacle sans creuser d’entonnoir, au moins sur les routes, et fauchant au ras du sol pieds et jambes. On les dit, d’ailleurs, de fabrication autrichienne.

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