Le jeudi 18 mars 1915
Exercice matin et soir sur le terrain habituel.
Le jeudi 18 mars 1915 – 13 heures
Mon cher père,
Je vous écris ces lignes par un vrai temps de printemps clair, beau soleil, doux, les routes sont sèches et il y aura bientôt de la poussière. Par un temps pareil, et étant à 20 km en arrière, on ne croit plus la guerre possible. Et pourtant, le canon tonne terriblement. Nous avons été hier faire une manœuvre à la lisière du département de la Meuse et de la Marne et nous entendions une canonnade terrible du côté de la Marne. Avant-hier et aujourd’hui c’est dans l’Argonne que le canon tonnait.
Je quitterai Bellefontaine samedi ou dimanche prochain pour rejoindre ma compagnie qui se trouvera dans les tranchées de première ligne à ce moment là, dans la forêt de l’Argonne, à la cote 263. Je pense que je ne souffrirai plus du froid à présent.
Le régiment ne revient plus au repos dans les villages de l’arrière, il reste maintenant au repos dans des cabanes à 2 km en arrière du front et en plein bois.
J’ai profité de mon séjour ici pour me nettoyer et faire blanchir mon linge. Je vais repartir en bon état.
J’ai reçu hier un colis de chocolat de Me Parfait.
Dimanche dernier j’ai assisté à la messe à 9 h 1/2 et au Salut à 4 h. du soir. Nous avons eu toute notre journée libre. J’ai communié lundi et mardi matin dans l’église de Bellefontaine.
Je me porte très bien en ce moment. Vous direz à Eugène qu’il prenne ma bicyclette de temps en temps quand il aura une longue route à faire. A ne pas servir les caoutchoucs s’abîmeraient bien plus qu’à rouler.
Je joins à ma lettre une feuille que vous conserverez, je l’adresse à vous seul. Recevez mes baisers affectueux.
Votre fils dévoué ‑ H. Moisy