10 mars 1915. Vingt kilomètres de Champagne pouilleuse avec de la neige sur le nez et des convois sur les pieds.

10 mars 1915. Somme-Tourbe (Marne)

Vingt kilomètres de Champagne pouilleuse avec de la neige sur le nez et des convois sur les pieds.

Arrivée à la nuit tombante dans un village absolument rasé, sans traces de maisons autres que des tas de briques. Dans les champs dévastés on a élevé quelques gourbis en paille. C’est dans l’un d’eux que nous nous installons, le commandant, les officiers des 6^ème et 7^ème et moi. A terre de la poussière de paille… Nous nous gratterons demain ! Assis par terre, à la lueur de deux bougies, nous dînons : d’une sardine, d’un beefsteak grillé sur des branches de pins, de haricots verts arrosés de deux bouteilles de champagne, qui sont notre seule boisson, l’eau de ce pays étant du purin. Nous les vidons une fois de plus à la santé de Christiane. Roederer porte la santé par ces mots : Bibentes morituri te salutant… Peut-être mourront-ils demain dans les tranchées des Hurlus ces bibentes… En tout cas, sur la paille pouilleuse, dans ce gourbi souterrain, ils ont « bon moral ». Christiane je te dédie la bonne humeur que déchaîne chez ces hommes qui vont mourir l’évocation de ta santé et de ta beauté !*