24 février 1915. Dans la nuit nous recevons l’ordre de nous tenir prêts à partir…



24 février 1915. Puiseux

Dans la nuit – c’est toujours dans la nuit qu’on apprend ces choses-là- nous recevons l’ordre de nous tenir prêts à partir…

Ce matin le temps est clair, frisquet, ensoleillé. C’est la première fois que nous nous embarquons, sans des torrents de pluie, pour une destination inconnue…

Nous prenons notre dernier déjeuner dans la petite maison verte de la popote : où allons-nous, où allons-nous ? Les paris sont engagés comme à chaque départ.

Embarquement à la Ferté-Milon.

Pour ???

Peut-être pour l’Argonne ou la région des Hurlus qui fait parler beaucoup d’elle depuis quelques jours.

La Ferté-Milon -16h-

Nous voici arrivés dans la patrie de Racine. La patrie de Racine, pour le moment c’est une gare et des camions-automobiles à la queue-leu-leu et puis des troupes, des troupes… On embarque. Nous connaissons ça : 45 hommes par wagon (40 hommes assis, 8 chevaux en long !…) On embarque toute notre division.

Destination : Epernay.

Et puis après ??

Les tuyaux vont leur train. Du côté de Perthes-les-Hurlus il paraît que ça marche terriblement bien. Qu’on se bat en rase campagne avec un minimum de pertes. Qu’on a gagné hier 7 kilomètres etc. etc…

J’écris ces lignes dans la petite maison proprette d’un employé de chemin de fer qui nous sort, pour le dîner, son plus beau linge et sa plus belle verrerie.

19h- Les troupiers sont groupés autour de grands feux qui flambent sous la lune… Dans chaque petit tas d’hommes, il y a un chanteur qui dit des chansons dont les autres reprennent en chœur le refrain. Ils pensent aller demain au combat… Ils chantent la Riviera.

20h- En gare. Il tombe de la neige. On entend le brouhaha des hommes qui s’entassent dans les noirs wagons, les « ho hisse ! ho hisse ! » de ceux qui hissent les voitures et les caissons sur les trucs. C’est un vaste travail l’embarquement d’un bataillon. On entend aussi les discussions aigres-douces des capitaines… Chacun se trouve mal servi. On est nerveux, un soir d’embarquement.

Les bruits aux ailes légères voltigent de wagon en wagon… Il se confirme que dans la région des Hurlus, où nous allons peut-être, l’ennemi cède du terrain… On verra ça demain.

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